Chronique : 2014, le tournant stratégique !
Par Pr. Khalifa Chater
Velléité de normalisation des relations entre Cuba et les USA, et engagement d'une cyberguerre entre les USA et la Corée du Nord, ces deux faits annoncent le tournant stratégique de la fin de 2014. D'autre part, des mutations importantes ont eu lieu sur la scène internationale : Sursaut de la Russie, nouveaux équilibres géopolitiques en Asie et révision de la politique étrangère américaine, en conséquence.
Le come back de la Russie : La réaction russe en Ukraine - une avancée de ses troupes au-delà de ses frontières - réanime la guerre froide, sinon la bipolarisation. La Russie, lutte pour éviter toute concurrence, dans sa "sphère d’intérêts privilégiés". Faisant valoir la politique eurasiatique de la Russie, Vladimir Poutine déclara qu'il faut "saisir le vent chinois dans les voiles russes ». Au Moyen-Orient, la Russie tente de limiter l'impact des alliances dominantes avec les USA et particulièrement dans les pays du Golfe. A ce titre, elle sauvegarde son alliance avec la Syrie et maintient de bonnes relations avec l'Iran et ses alliés (Hizb Allah, Hamas etc.).
Nouveaux équilibres géopolitiques en Asie : Grâce à la politique de réforme économique et d’ouverture, la Chine a connu une croissance économique rapide et continue. Sur le plan international, elle réalise une percée significative : La visite historique du président chinois, en Inde, 17 - 20 septembre 2014, semble tourner la page des malentendus et des tensions. Annonce-t-elle un "siècle asiatique'", alors que les dimensions politiques et économiques du système international vivent des mutations profondes ? (le quotidien The Hindu, cité par le site courrier international, 18 septembre 2014). Concurrentes et rivales de la Chine, le Japon et la Corée du Sud, qui sont désormais des puissances, agissent essentiellement sur le registre économique.
Les Etats-Unis redéfinissent leurs enjeux stratégiques. Pour faire valoir leurs centres d'intérêts au Pacifique, les USA ont tenté un rapprochement avec Pékin, en dépit de leurs intérêts divergents. Les entretiens Obama/Xi Jimping, à l'occasion du Forum de l'Asie-Pacifique (10-12 novembre 2014), ont confirmé une volonté de coopération entre les deux pays. L'idée d'un G2, évoqué au début de la présidence d'Obama a été abandonnée. On a préféré une approche moins formaliste. Au Moyen-Orient, les USA engagent de fait un dialogue avec l'Iran et modèrent leurs attaques contre Damas, Réalisent-ils que la chute du régime syrien susciterait la victoire de Daeche, aux dépens de Damas, de Beyrouth et d'Amman ?
Etats-Unis-Cuba, la fin d'un demi-siècle de guerre froide ? "Somos to dos amercanos", nous sommes tous américains, a déclaré, le 17 décembre, le Président Obama, s'adressant aux Cubains. La prise du pouvoir de Fidel Castro, en 1959, a suscité une rupture entre les deux pays. Répondant aux expropriations décidées par le nouveau régime, le gouvernement américain décide un embargo unilatéral, contre Cuba. L'alliance de Cuba, avec l'URSS, qui s'en suivit étendit la guerre froide au continent américain. Cette initiative du Président Obama tient compte des mutations de son adversaire, suite à l'implosion de l'URSS. Fut-elle limitée à l'annonce du rétablissement des relations diplomatiques, avec l'île communiste et contrariée par l'opposition du sénat à la lever de l'embargo, elle tourne une nouvelle page, dans les relations entre les deux pays. La manœuvre d'Obama lui permet de réaliser une "opération visible", dans un itinéraire sans résultat évident au Moyen-Orient, ou en Ukraine.
L'engagement d'une cyberguerre : Innovation de l'ère de l'information, la cyberguerre, (cyberwarfare) ou guerre de la toile wifi est à l'ordre du jour. Dépassant les opérations de piratages ponctuels, la cyberguerre vient de s'engager, dans le conflit entre les USA et la Corée du Nord. Les États-Unis accusent Pyongyang d'être responsable de l'attaque contre Sony Pictures, qui a réalisé une comédie sur un complot fictif de la CIA pour assassiner le leader nord-coréen Kim Jong-un. Quelques jours plus tard, le nucléaire sud-coréen est visé par un piratage qui a provoqué une coupure internet géante en Corée du Nord. Des observateurs parlent volontiers, d'une cyberattaque en représailles au piratage du studio Sony Pictures. Annoncent-elles une mutation des affrontements militaires ? Mais ne serait-il plus judicieux de définir ces différentes opérations plutôt de cybervandalisme que de cyberguerre ?
