Chronique : Robert Ménard, un hypocrite des droits de l’homme qui retrouve sa première nature

Par Mansour Mhenni

Je ne sais pas pourquoi Robert Ménard m’avait toujours paru suspect, voire franchement faux chaque fois qu’il se prétendait un défenseur inconditionnel des droits de l’homme et des libertés publiques, y compris la liberté de presse. La grande question pour moi était de savoir si l’on peut passer, aussi facilement que le fit l’actuel maire de Béziers, du statut de membre actif de l’organisation terroriste OAS (C’est celle qui a assassiné, entre autres, FarhatHached en Tunisie et Mouloud Féraoun en Algérie) à celui de défenseur des libertés et des humanités. Sa dernière décision, en tant que maire d’extrême droite, de ficher des élèves selon leur religion est peut-être un démenti éloquent de la sincérité et de l’honnêteté d’une grande partie du parcours « militant » (sic !) de Robert Ménard.

Souvenons-nous, l’enfant d’une famille installée en Algérie dès 1850, à l’aube de l’ancrage colonial dans le pays après les fortes résistances des premières années, ne pouvait se libérer facilement de sa seconde nature de colon, avec tous les préjugés que cela suppose ; c’est pourquoi son appartenance à l’OAS est dans la logique de son éducation affective et intellectuelle.

Mais, quand plus tard, en 1985, il créa Reporters sans frontières (RSF), la mémoire collective avait eu le temps d’oublier l’histoire de l’homme et s’est accrochée au concept et aux objectifs déclarés de l’organisation, d’autant plus que le contexte s’y prêtait bien. On se doutait peu que cela puisse devenir un cadre officiel justifiant le monnayage des droits de l’homme et le mercantilisme de basse échelle au nom des valeurs supérieures.

Il importe de préciser, dès l’abord, pour lever tout malentendu, que la critique de Robert Ménard ne justifie en rien et ne disculpe guère ceux qu’il a pu attaquer par le passé, surtout certains régimes répressifs et leurs chefs excessivement autoritaires. L’intérêt ici est de souligner que l’on gagnerait à ne pas se laisser abuser par les faussaires des droits de l’homme et des libertés et que l’on devrait prendre garde à leur « Rapacité sans frontières » (RSF) et leur cynisme caractérisé et arrogant.

De toutes les façons, des événements récents ont pu dénuder des gens pareils pour les exposer tels qu’ils sont vraiment et, pour le cas d’espèce, la distance largement prise à son égard par nombre d’amis très proches est la preuve qu’on ne peut pas tromper le monde indéfiniment.

En 1993, Jean-Claude Guillebaud, un compagnon de la première heure à Reporters SF, quitte l’agence et accuse R. Ménard de « faire deux poids deux mesures dans le traitement de la liberté de la presse dans le monde ». En 1995, un autre cofondateur claque la porte et dénonce l'autoritarisme du « petit tyran domestique […] à l’ego exagérément enflé », un avis largement partagé par Alla Lazaréva, une ancienne correspondante de RSF.

Et c’est dans la logique de sa nature peut-être, en tout cas de son tempérament et de sa pensée, qu’en 2008, que Ménard démissionne de RSF et se fait introniser par CheikhaMozah « Directeur général du centre pour la liberté de l’information à Doha au Qatar ».  La poule aux oeufs d’or ! Finalement, c’est l’année 2010 qui consacrera son virage total et son retour à la case départ, l’extrême droite, avec pour principal appui le FN.

Aujourd’hui, il faut certes saluer l’attitude du Premier ministre français Manuel Valls qui trouve « honteux » le choix du maire de Béziers de ficher des élèves selon leur religion ; il aura au moins corrigé une part de la méprise sur la personne commise par certaines personnalités de droite comme de gauche : François Mittérand, Dominique de Villepin et Patrick Poivre d’Arvor ; mais il aura surtout rappelé que «La République ne fait aucune distinction parmi ses enfants ».

 Reste que, au-delà de cet impact presque fronco-français, n’est-il pas légitime de voir dans cette politique de Robert Ménard l’incontestable intention d’œuvrer désormais, dans la juste lignée de sa première nature, pour le conflit des cultures, des religions et des civilisations et de convoquer du fin fond de l’Histoire un néonazisme et un fascisme renouvelé que l’on croyait totalement éradiqués de l’éthique de l’humanité d’aujourd’hui et de demain ?

Nda : (Reconnaissance est due à Wikipedia, pour certaines des informations ici exploitées).