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Chronique30/06/2017 à 09:48

De la rumeur de suppression de la section littéraire

De la rumeur de suppression de la section littéraire

Par Mansour M’henni 

Dernièrement, quelqu’un écrivait sur les réseaux sociaux qu’on allait supprimer la section « Lettres » des études secondaires et, par voie de conséquence, avec le temps, de l’enseignement supérieur aussi.

Prise pour véridique, l’information n’a évidemment pas manqué de susciter les réactions les plus scandalisées et des attitudes on ne peut plus exaspérées. Il faut dire qu’il y aurait de quoi, s’il en était vraiment ainsi.

Or voilà que le ministère de l’Education réagit rapidement en publiant un communiqué démentant “la rumeur”.

Le jeu et les enjeux de la rumeur sont toujours et inévitablement une composante non négligeable de la vie en société et chacun en fait ce qu’il peut, en fonction de ce qu’il veut : aussi bien la structure du pouvoir avec toutes ses configurations et toutes ses dimensions, que la dynamique citoyenne dans ce monde où il n’y a qu’heur et malheur gérés en termes de heurts et de douceurs. Mais cela n’est pas le propos de cette chronique.

Pour éluder ce dont il est accusé le ministère tend un argument de taille : « La révision de la carte des sections est du ressort des commissions de réforme du système éducatif ». Ainsi sont en effet les choses dans un Etat qui fait cas des institutions et tient à les doter des prérogatives qui leur reviennent de droit. On se souvient que l’un des principaux reproches faits à Néji Jelloul, c’était l’impression qu’il donnait de décider par lui-même, si bien qu’à la fin, il a eu beau parler de commissions, personne ne le croyait. La précision ajoutée par le communiqué réfère, implicitement, à un débat sur la question et précise que la tendance irait en sens inverse de la rumeur : « La tendance est au renforcement de l’enseignement des langues et des sciences humaines et sociales et non à leur suppression».

Au-delà des raisons, probablement conflictuelles, qui ont été à l’origine de la rumeur, il ne serait pas inutile de rappeler certains principes qui doivent présider à l’esprit de toute réforme en matière d’enseignement. Ainsi, une réforme part d’abord d’un constat de dysfonctionnement ou d’un besoin de réadaptation à de nouvelles données objectives. Du coup, c’est l’évaluation qui constitue la première étape d’une réforme : mais une évaluation ouverte (sans populisme d’exhibition), de perspectives plurielles (avec une bonne hiérarchie des priorités) et de démarche scientifique (sans rupture avec la réalité). Les résultats de l’évaluation sont alors confrontés aux nouveaux objectifs ou aux objectifs renouvelés, en fonction du modèle de société entendu et adopté sinon de façon unanime, au moins en grande majorité. C’est à cette articulation de l’évaluation et de la prospection que tout se joue, essentiellement et même existentiellement, et que les grandes décisions se prennent. Après, tout le reste n’est que littérature d’organisation et de mise en application des décisions essentielles.

Indépendamment des résultats du baccalauréat qui font toujours état d’un modeste, voire un médiocre pourcentage des littéraires admis, on est donc en droit de se demander s’il y a une quelconque intention de décider quelque chose de spécifiquement draconien pour ce parent pauvre des filières de l’enseignement. D’ailleurs, tout porte à croire que ladite rumeur serait une amplification d’un propos lancé et débattu en commission de réforme, sans grand effet mais fuité à un titre ou à un autre, avec ou sans une intention de nuisance.

En tout cas, pour ceux qui seraient tentés par l’idée d’une plus ou moins importante marginalisation des sections des langues, lettres et sciences humaines, il serait bon de leur rappeler que le coup fatal porté à notre enseignement, dans les années 70 et 80 du siècle passé, était celui d’une excessive mise en valeur des disciplines scientifiques et techniques au détriment des disciplines dites des « humanités », une démarche doublée d’une dévalorisation des langues étrangères au nom d’une arabisation conduite davantage de façon démagogique que de façon rationnelle et réaliste.

J’ai toujours pensé, et souvent écrit, que les élèves et les étudiants des spécialités scientifiques doivent avoir une plateforme de base constituée fondamentalement d’un état d’esprit adapté à la pratique des langues et des humanités, notamment de logique philosophique et créative, tout comme les spécialistes des humanités devraient avoir une plateforme fondamentale de logique mathématique et de rationalité scientifique. Ainsi seulement nous contribuerions à l’épanouissement, chez nous, d’une intelligence citoyenne, libre et responsable, active et constructive, immunisée contre les manipulations de toutes sortes.

Souvenons-nous toujours, tous autant que nous sommes, décideurs, enseignants, parents et apprenants, que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». 

Economique Jawhara FM

jmc
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