Du régionalisme comme relai de l’opportunisme politique
Par Mansour M’henni
A peine croit-on distinguer une lueur d’espoir pour notre désir de voir la Tunisie retrouver toute son unité et se mobiliser en faveur d’un prompt recouvrement du chemin du développement, que des voix se remettent à crier au scandale pour raviver l’instinct séparatiste et la manie manichéenne, au nom de valeurs qu’ils brandissent, sans y croire peut-être, au vu de leurs manières de conduire et de se conduire.
Je le redis encore ici, pour lever toute équivoque, le séparatisme n’a rien de commun avec la « diversalité ». Si celle-ci construit sur le divers et le différent, appelés à se conjuguer au futur, le séparatisme fait naître la haine de la différence et fomente la violence dans les interstices du divers. Malheureusement, ce dernier comportement a repris du poil de la bête chez nous depuis 2011 et le pire, c’est qu’il prétend agir au nom de bonnes valeurs humanistes et pour de grands projets politiques.
Le cas le plus typique est évidemment celui de l’ancien président provisoire, Moncef Marzouki, et ses « quat z'amis », croyant trouver dans le Sud de notre pays une terre propice à leur investissement politique dans un régionalisme de basse échelle. Heureusement, les nobles citoyens de nos contrées ont assez de bon sens, d’honneur et de patriotisme pour ne pas se laisser manipuler par des discours vénéneux qui sentent l’argent et la vengeance d’une lointaine engeance. Pourtant, ces nouveaux prophètes du « séparatisme sudiste » sont bien installés, en dehors de ce Sud, dans leur confort acquis du temps de la « dictature » et savent qu’ils doivent à Ennahdha l’appui électoral précédemment acquis dans cette région de la Tunisie, une, unie et indivisible. C’est d’ailleurs pourquoi, en 2011, M. Marzouki s’était présenté aux élections législatives pour une région qui n’est ni celle de ses racines familiales ni dans sa région de résidence, pour des raisons assez connues depuis. Bref, un royaume du Sud indépendant de la Tunisie n’est pas pour demain ; il ne peut même pas être rêvé, sauf peut-être par un fou ou par un fieffé dissident.
Il faut reconnaître cependant que, le tapage médiatique aidant, dans une sorte de complaisance inconsidérée, d’autres attitudes, plutôt d’autres bords politiques, ont cherché à trouver dans le régionalisme un relai possible de leur opportunisme politique. On a donc vu certains anciens responsables sportifs avancer des développements aberrants pour « victimiser » leur région au nom d’une agressivité caractérisée pour d’autres régions et d’un fanatisme « localiste » qui s’exprime comme une remise en question de la structure étatique. Les intentions des chantres de ces discours n’ont pas tardé à être dévoilées, en l’occurrence l’influence du lobbying des affaires dans les élections locales, supposées imminentes, et la préparation de son pouvoir dans la perspective de l’autogestion locale et régionale.
Par malheur, ces comportements et ces mouvements rejoignent forcément les idéologies extrémistes et réactionnaires, parfois au nom même d’une prétendue démocratie et d’un progrès illusoire car tous deux commandés par un populisme de suspecte facture. Dès lors, une rencontre sportive, une manifestation culturelle ou une visite politique, ici ou là, sont pris comme prétextes pour relancer la tension et appeler au blocage de l’Etat.
Qu’un tel leader politique de l’opposition ait une animosité viscérale contre un autre au pouvoir, qu’un tel dirigeant sportif ait une rancœur chronique contre une équipe, d’une région ou d’une autre, qu’un trafiquant culturel ait une rivalité maladive contre ses concurrents et à travers eux contre des responsables, tout cela en fait n’est que feu de paille dans la logique d’une patrie unie et solidaire, dans le respect des différences et même des divergences et dans l’effort constant pour réaliser autant que possible l’équité et la justice.
Mais tout cela nuit et retarde aussi bien la relance du développement que la transition démocratique au nom de laquelle tout le monde prétend agir. Pourvu que l’on ne se rende pas trop tard que l’essentiel de l’énergie politique et une bonne part de l’énergie citoyenne auront été dépensées dans des manœuvres florentines ne servant nullement l’avenir de la société !
