facebbok

Youtube

Rss

Web Radios

Français|

Accueil >Actualité >Chronique

Chronique25/04/2017 à 12:34

Gribouillage et imaginaire d'enfant

Gribouillage et imaginaire d'enfant

Par Mansour M’henni 

« C’est dur de mourir au printemps », mais cela survient souvent et de plus d’une manière.

 Alors à chaque fois, le deuil s’installe pour un temps et l’on (se) console au rythme des vers de Malherbe, partageant la douleur de Du Perrier à la mort de sa fille :

« Mais elle était du monde, où les plus belles choses

Ont le pire destin,

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,

L’espace d’un matin. »

Jad Tenkoul est mort à 24 ans, comme s’éteint une rose, et nous avons été nombreux à consoler ses parents, nos collègues Abderrahman Tenkoul et Farida Bouhassoune, dans une compassion qui nous donnait sans doute une raison de nous étonner du plus commun des destins, voire d’exprimer notre révolte à son égard avant de conclure : « Ainsi va la vie ». Piètre et impuissante résignation, dirait-on ; mais elle aide à retrouver les amers de l’espoir et à rappeler que sans la mort, la vie n’existerait sans doute pas. Tel est l’homme et telle est sa condition : la mort étant inhérente à sa vie, il se doit, à chaque fois que la première survient autour de lui, d’y retrouver un certain sens de la seconde. « Il faut imaginer Sisyphe heureux ».

C’est de cette philosophie que se reconnaîtraient les parents de Jad, eux qui nous ont offert l’occasion de contribuer à la survie de leur fils, trop tôt disparu, par une sorte de prolifération textuelle de sa mémoire à partir de ses dessins réalisés quand il avait entre quatre et huit ans. On imagine alors le plaisir que j’ai eu à leur proposition de me charger de coordonner des « mélanges » en hommage au jeune défunt, bien que n’étant certainement pas le plus compétent en la matière ! Ce plaisir est double aujourd’hui après la sortie du livre (sans doute le premier du genre au Maroc) à l’ouverture du Salon du Livre de Casablanca, à la fin de mars dernier.

J’avoue que le profane que je suis en matière de gribouillage (quelle indigence !) a commencé par regarder les dessins de Jad, plusieurs fois, sans pouvoir se faire un commentaire technique solide et appuyé. J’ai donc médité devant ces dessins, interpelé par l’appel de certains signes et il m’a paru possible d’en conclure une idée maîtresse :

Ces dessins gribouillés sont nombreux à représenter des paires et des couples en face d’un objet de regard ; ils affirmeraient le désir – le besoin – d’une compagnie affectueuse, d’échange et de partage. Une conscience sociale serait en éclosion dans la triangulation des trois sommets : Moi, l’Autre, le Regard. Ce dernier serait à moduler largement, depuis le regard intérieur jusqu’à l’écoute comme une forme de regard. Quant à l’Autre, jusqu’à ce qui, par les formes surtout, fait sa similitude et sa différence, il est de cette présence fondamentale pour rattacher le logis au soleil multicolore. Aujourd’hui, les dessins de Jad me poussent à me demander si tout enfant, même celui qu’on croirait solitaire, ne porte pas ce fardeau lourd de l’enfance ambitieuse en termes d’amitié, ce rêve d’un monde qu’il découvrait et dont il appréhendait un fâcheux dérapage par déficit d’écoute, même dans un trop-plein d’amour ! Autrement dit, « Messieurs qu’on nomme Grands », sommes-nous vraiment à la hauteur de l’intelligence de nos enfants ? Apprécions-nous surtout, à leur juste mesure, les questions qu’ils nous posent et les révisions qu’ils nous invitent à nous imposer ? Me revient à ce propos cette citation de M. Foglia commentant les Essais de Montaigne : « L’enfant offre la chance d’une régénération cyclique des facultés, pour autant que l’éducation ne vienne pas éteindre leur vigueur originelle. »

Parlant de l’expérience d’un enfant de dix-huit mois qui réalisait ses premiers gribouillages, « une série de marques sur une page », le psychologue Howard Gardner précise que « peu de gens seraient disposés à qualifier cette réalisation d’un terme plus honorifique que ʺgribouillageʺ, et, en vérité, ce terme est souvent utilisé – y compris par des éducateurs qui devraient avoir plus de bon sens – comme une expression de dénigrement. Mais [pour cet enfant], ce gribouillage représentait un exploit…»

Ainsi, entre le sens de l’exploit et la perception péjorative se jouent non seulement le destin du gribouillage, mais aussi et surtout, sans doute, les paris et les défis de l’existence humaine entre l’aube de la vie et son crépuscule, entre l’imaginaire inventif et les préjugés maladifs, entre le besoin d’être avec l’autre et les déboires d’une compréhension et d’une communication défaillantes. Au fond, notre façon d’être à nos enfants, et à l’enfance même, est peut-être analogue à notre perception de leurs gribouillages et de notre attention à leur imagination inventive. Toute l’éducation et les méthodes pédagogiques seraient à repenser à la lumière d’une nouvelle intelligence de ces produits légèrement considérés.

Pourtant, sur un autre plan, la psychologie nous apporte de plus en plus de preuves que le gribouillage gagnerait à reprendre ses droits à l’âge adulte, tant du point de vue thérapeutique que de celui de la gestion du quotidien de notre vie courante, à la marge de chacune de ses pages, voire même en pleine page.

Il semblerait en effet que le gribouillage nous déleste d’un surplus de soucis dans la vie, qu’il nous redonne goût à la fascination naturelle que nous avions devant la fraîcheur naturelle des « verts paradis des amours enfantines », là où sont fécondés notre imagination et notre élan créateur. Mais le gribouillage est surtout cet exercice de conversation de l’être avec son soi le plus profond, au centre duquel l’interrogation et l’auto remise en question balisent le chemin de l’évolution.

En bref, le gribouillage est d’abord et avant tout une épreuve de liberté qui gagnerait à se ressourcer dans l’essence première et la valeur symbolique de tout instant initial. C’est en cela qu’il est un art, même si sa reconnaissance en tant que tel est très récente, contraire à son ancêtre peut-être, le graffiti qui, lui, est contemporain des temps antiques.

Economique Jawhara FM

jmc
Voir tous les PODCASTS

PODCASTS

Economica du jeudi 15 Février 2021

Economica

Economica du jeudi 15 Février 2021

L'artisanat tunisien : La plupart des sociétés se trouvent dans une situation critique, 40% ont déjà déposé la clé sous la porte

Business News du lundi 15 Février 2021

Business News

Business News du lundi 15 Février 2021

Les préparatifs du ministère du Commerce pour le mois de Ramadan

Business News du lundi 18 Janvier 2021

Business News

Business News du lundi 18 Janvier 2021

Le taux de change du jour

Journal Info 07h00 du lundi 18 Janvier 2021

Journal Info

Journal Info 07h00 du lundi 18 Janvier 2021

Protestations nocturnes : 50 éléments arrêtés dont un enfant

  Economica du lundi 18 Janvier 2021

Economica

Economica du lundi 18 Janvier 2021

Les répercussions du Confinement total et ciblé sur l'économie tunisienne

Economica du mardi 12 Janvier 2021

Economica

Economica du mardi 12 Janvier 2021

Appréciation du Dinar tunisien par rapport au dollar

voir tous les sondages

sondage

Pensez-vous que la situation épidémiologique va s'améliorer ?

46%
107 votes
22%
50 votes
32%
74 votes
Nombre total de votes : 231 Retour Voter Voir le résultat
horoscope.jpg