La Cité de la culture, un rêve à cultiver !
Par Mansour M’henni
En 2012, le gouvernement de la troïka annonçait, par ses deux chefs symboliques et effectifs, Rached Ghannouchi et Hamadi Hbali, que les élections législatives et présidentielles auraient lieu le 20 mars 2013, date de l’Indépendance de la Tunisie. L’annonce était par trop ambiguë quant à ses intentions et le 20 mars 2013 a été un autre jour, mais cela n’est pas mon propos ici.
Ce jour du 20 mars 2013, je partageais sur ma page facebook cette citation de John Lennon, le fondateur de Beatles : « Un rêve que l'on vit seul n'est qu'un rêve. / Un rêve que l'on vit ensemble est une réalité. » Cette année, cinq ans plus tard donc, je ressentais le même besoin de la partager de nouveau et je l’ai fait. Aujourd’hui j’en ressens encore plus l’importance après l’inauguration de la Cité de la Culture et les réactions variées qu’elle a suscitées. A ce propos, mon ami Tahar Ben Guiza, philosophe et sage (et ce n’est plus un pléonasme !), m’a rappelé une citation du même esprit : « Leibniz dirait qu'un rêve solitaire fait partie du possible mais qu'un rêve commun est compossible, c'est-à-dire réalisable. »
Sans prendre parti pour ou contre quiconque, je veux souligner encore à l’intention de qui veut bien cogiter le propos : La Cité de la Culture n’est la propriété ni d’un ministre ni d’un gouvernement, ni même de ceux-là qui sont et ceux-ci qui se veulent les acteurs directement impliqués dans le secteur culturel. Tout le monde y passe et s’en va, seules les réalisations resteront. Il en est donc de cette cité comme de la vie : on y vient pour faire ou ne pas faire la tâche qui nous incombe (et c’est là notre responsabilité), puis on s’en va sans broncher (et c’est là notre destinée).
Ainsi, si j’ai quelque chose à solliciter de mes concitoyens, je dirai : Arrêtons donc de chicaner pour un oui ou pour non, de nous lamenter pour une table qui manque ou un bureau, pour une invitation non reçue contre d’autres contestables, pour ceci qui est légèrement penché et cela qui est rigidement droit, etc.
La Cité de la Culture est là et fera partie de notre vie et de notre conception de l’avenir, ni pour X ni contre Y, même si l’honnêteté force à reconnaître le mérite de la réalisation et à remercier ceux qui y avaient travaillé. A présent, il revient à tout un chacun, dans toutes les régions du pays, de s’essorer la cervelle et le cœur, le corps même au besoin, pour penser, créer et concevoir, pour faire des propositions crédibles et c’est à ne pas avoir de réponse à cet engagement qu’on pourra juger l’interlocuteur responsable.
La Cité de la Culture est donc un rêve à partager, un projet en éternelle construction, le bâtiment n’est que l’une des conditions de faisabilité du projet et, avouons-le, cette condition est amplement favorable à cet appel baudelairien : « aller au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau », et cet appel non moins génial de notre immortel Abul Kacem Chebbi : « Qui n’embrasse l’ascension vers les cimes / croupit éternellement dans les gouffres ». Le bâtiment est là, comme une matière première qui attend d’être façonnée par les sensibilités créatrices et les intelligences innovantes. Il promet un surplus de rayonnement au-delà de nos frontières, mais cela reste tributaire de notre interaction constructive, de notre sincère solidarité et de notre engagement altruiste et dévoué.
En bref, la Cité de la Culture est un autre atelier pour notre exercice de la Culture de la Cité, cette culture qui devrait déterminer notre façon d’être à nous-mêmes et à l’altérité et qui donne vraiment sens à notre socialité.
