Les élections municipales auront-elles lieu ?

L’intérêt de certains faucons de la politique paraît davantage porté sur l’échéance électorale de 2019, considérée comme la chasse aux grandes proies, tandis que les prochaines élections municipales seraient apparemment livrées à la petite convoitise des colombes de la politique, même si les premiers savent que, le moment venu et en temps opportun, ils assujettiront bien les seconds à leur volonté et tireront profit de leurs services.

D’ailleurs un grand flou enveloppe le paysage des élections municipales, officiellement annoncées pour le 17 décembre 2017, une date marquée du sceau de l’autodafé plutôt que par le fait du succès. Certains s’appliquent à conduire cette opération à bon port, en l’occurrence les gens de l’ISIE en perte de vitesse, d’appui et de crédibilité aussi. Le premier responsable de l’instance l’a de nouveau souligné ce mercredi 9 août 2017. D’autres jurent par tous les saints que ces élections seront renvoyées aux calendes grecques. Entre les deux, d’aucuns avancent la date de mars et même celle de novembre 2018.

Autrement dit, il y a tout ce qu’il faut pour exacerber la frustration du commun des citoyens et les livrer au désabusement et à l’abandon de tout intérêt pour la chose publique. On s’en rend d’ailleurs facilement compte à écouter les témoignages des gens du peuple, là où l’occasion leur est offerte comme dernièrement au micro de Zouhaïr El Jiss sur les ondes de Radio Jawhara FM, à la veille du dernier délai pour l’enregistrement sur les registres des électeurs. Quel état de lassitude et d’exaspération chez tous les auditeurs ayant donné leurs témoignages (tous sauf un, presque supplié de dire qu’il voterait !) ! « Pourquoi voter, ça ne sert à rien » ! « Rien n’a changé depuis la révolution, au contraire on va de mal en pis » ! « On les vote, puis ils ne se souviennent plus de nous » ! Tout cela est désolant à entendre, mais force est de reconnaître qu’on en est là…

Certains développements, plus étendus, surtout sur les réseaux sociaux, font état d’analyses plutôt curieuses, surtout quand elles viennent de « responsables » politiques, anciens ou nouveaux : « Aller voter, c’est donner une nouvelle légitimité à Ennahdha, la plus préparée et la mieux organisée pour ces élections ! Car ce faisant, ce mouvement aurait les mains libres pour préparer son sixième Califat… » ! Mais, répliquerait-on, ne pas voter empêcherait-il le mouvement Ennahdha, si cela demeure encore son programme, d’y aller avec la même détermination et les assises institutionnelles de couverture dont il aurait besoin ?

Que faire alors, nous répondrait-on, quand les partis politiques se laissent aliéner par la folie du pouvoir au point d’y perdre tout dévouement à l’intérêt général et à la conscience patriotique ?

Je voudrais d’abord, dans mon inaliénable espoir et mon indéfectible optimisme, continuer de croire qu’il y a toujours à attendre de la société politique, sans doute pas de sa totalité mais de sa part capable encore de penser le rassemblement dans la logique de la reconstruction collective pour le bien-être partagé. Et là, c’est au citoyen de savoir séparer le bon grain de l’ivraie…

Cependant, en désespoir de cause quant aux formations politiques et leurs stratégies de rassemblements minés et de connivences hypocrites et piégées, il reste à miser sur la société civile, surtout du côté du tissu associatif non corrompu par les bailleurs de fonds suspects. Cela se jouerait bien dans les élections locales, si les associations actives et crédibles se fédèrent autour d’un projet local commun et d’une gouvernance locale étudiée et adaptée ! Leurs concitoyens peuvent alors leur faire confiance, contre même les consignes des partis si celles-ci ne sont pas convaincantes. En tout cas, c’est une démarche à tenter, de loin plus utile et plus saine qu’un boycott des élections municipales.

Qu’on se souvienne de ces moments de notre histoire où l’indifférence et la démission nous semblaient constituer une forme de lutte ! Nous n’en avions cueilli que les fruits les plus amers de notre parcours citoyen. Aujourd’hui donc, ne serait-il pas temps de penser l’avenir autrement ?