Nouvel appel à la République du Respect !
Par Mansour M’henni
J’ai souvent appelé à ce que j’appelle « la République du respect », avec la conviction que cette valeur est fondamentale dans l’édification d’une société bien portante, ne pouvant contredire l’esprit de démocratie authentique, ni les valeurs éthiques fondamentales de la condition d’humanité.
Il y a un certain temps déjà, j’avais écrit ceci :
« Je pense qu’aujourd’hui plus que jamais, peut-être même en tout temps de leur histoire moderne, les Tunisiens ont expressément et impérativement besoin d’une ʺRépublique du Respectʺ. Si j’avais à fonder un parti politique, je crois que c’est ce parti que je choisirais de lancer. Si quelqu’un lançait un tel parti, je crois qu’il serait le premier à me tenter et à susciter mon intérêt. En effet, le respect est la valeur qui présuppose toutes les autres : il y a d’abord le respect de soi […] ; il y a ensuite le respect de l’Autre […] ; il y a enfin le respect de la communauté […]. Qu’importe donc que quelqu’un veille bien ou non fonder le Parti de la République du Respect, si nous choisissons d’être les citoyens volontaires et volontaristes de cette république et de la valeur qui la fonde. Tout le reste ne serait alors que jeux et spectacles du paysage politique qui finissent par donner l’impression que dans ce genre de sport, les terrains, les joueurs et les arbitres peuvent changer, mais que les tactiques sont les mêmes, avec des moyens réemployés et des visées inchangées.»
Si ces mots, issus de la sincère conscience citoyenne qui m’a toujours animé et qui continue, sans nulle prétention à l’héroïsme ni à la vérité indiscutable, m’interpellent de nouveau aujourd’hui, c’est que le spectacle de la vie courante me remets de nouveau face à cette interrogation essentielle : Sommes-nous, aujourd’hui en Tunisie, en train d’évoluer dans le sens de l’édification de cette République du respect et de ses valeurs inaliénables ?
J’entends déjà des voies me chuchoter ou me crier au visage que je suis d’une ancienne école et que ces valeurs pour lesquelles je plaide ne sont plus d’actualité ! S’il en est vraiment ainsi, ce serait vraiment un triste destin qui nous agiterait son mouchoir rouge et noir à l’horizon ! J’ose continuer de croire cependant que tel n’est pas le cas et que les dérapages qu’occasionnent certains aléas de l’Histoire ne tarderont pas d’aider à redresser l’équilibre des roues et à reprendre la juste voie du futur supérieur. C’est pourquoi je continuerai de parler dans le sens que je crois, indépendamment des personnes qui, elles, ne font que passer pour que reste la société des êtres humains.
De ce point de vue, il me paraît judicieux et utile de s’attarder sur certaines tensions ayant fait problème ces derniers temps. La plupart ont tourné autour des questions de démocratie, de corruption et de réformes sectorielles. Mais toutes ont été personnalisées, avec pour principal objectif apparent la nuisance à la personne même de certains responsables, par-delà les questions d’intérêt général, par ailleurs fort légitimes et relativement assez justifiées. De là la question centrale : pourquoi faut-il toujours que la critique se fasse dans le langage de l’agression, de la calomnie et parfois même de l’insulte ?
La vraie démocratie me paraît d’essence conversationnelle et l’esprit de conversation a cela de supérieur qu’il peut conduire à un consensus ou un compromis sans nécessairement nuire aux rapports humains ni à l’éthique devant présider à la quête de la vérité. Or, la politique nous a longtemps coulés dans le moule de la rhétorique et de la manipulation, dans la juste logique dialectique de la raison du plus fort qui serait toujours la meilleure !
Et si personne d’entre nous ne prétendait ou ne cherchait à passer pour le plus fort ! Et si chacun relativisait sa vérité et polissait un tant soit peu ses moyens ! Et si, à la moindre divergence, on commençait à poser le fond du problème, à préciser les objectifs et à s’entendre sur la méthodologie d’approche, sans intention de dictature ni de dissidence, d’un côté comme d’un autre ! Et si, pour tout dire, la raison éthique gouvernait notre raison au détriment de la raison politique ! Ne serions-nous pas alors à même de construire des routes inaltérables dans les tumultes des océans, nous donnant ainsi la preuve de cette noblesse et cette intelligence dont nous nous prévalons ?
Je le dis encore une fois : Ah pour être idéaliste, je n’en suis pas moins dans le réel du rêve humain ! Qu’importe s’il y a très peu de mes semblables qui m’écoute(ro)nt ! Même de là-bas où je m’en irai un jour, s’il m’est permis de le faire, je continuerai toujours à prier pour qu’ils retrouvent cette petite voie au fin fond de leur affect et dans les labyrinthes de leur intellect et qu’ils répondent alors à son chuchotement.
