Pour une opposition de proposition contre l’opposition pour l’opposition

Par Mansour M’henni 

La rentrée politique de cette année, à supposer qu’il y ait eu un vrai congé, est marquée par une série de déclarations alternant les modes les plus variés, les styles les plus contrastés et les intentions les plus contradictoires.

On a de plus en plus le sentiment que les figures politiques se transforment en acteurs des médias, en bois de leur feu, dirions-nous, se mettant davantage au service de leurs programmations respectives qu’à celui de leurs propres programmes politiques. D’aucuns diraient qu’il y a là un intérêt partagé, ce qui est vrai pour une large part, même si d’autres se demandent si, dans cet intérêt, il y a une part qui serait profitable au pays et à la société.

On a donc eu droit à une initiative présidentielle dans l’esprit de l’égalité des droits entre les genres et dans la continuité de l’âme du Code du Statut personnel. Un débat en a découlé, non sans heurts, jusqu’au-delà de nos frontières, et cela a permis tout autant de secouer les mentalités statiques ou réactionnaires que de stimuler les élans de développement et de progrès. Parallèlement, et à l’autre bout, l’ancien président provisoire, (re)devenu un agent irréductible des Djinns secrets de la démagogie d’exhibition et de la perturbation par provocation, sortait des harangues séparatistes et fomentait des complots régionalistes.

On a eu des déclarations portant sur le projet de la nouvelle loi de finances, presque toutes critiques, de façon plus ou moins passionnée, plus ou moins agressive, mais presque jamais avec des propositions concrètes à même de contribuer à l’amélioration du projet esquissé par le gouvernement, à part la proposition du « Swak », devenue objet de risée sur les pages des réseaux sociaux et des plaisanteries publiques. C’est à se demander si, de l’autre côté, le gouvernement est à l’écoute ou s’il a appelé à une telle participation ! En tout cas, la dernière interview du président du Gouvernement souligne l’avarice de l’opposition en matière de propositions constructives.

A ce propos, pour rester dans l’objet de cet article, celui de commenter les derniers propos de certains responsables politiques, force est de constater que cette dernière interview de Youssef Chahed a produit l’effet recherché, celui de rassurer la plus grande part des citoyens, non pas en leur promettant des châteaux en Espagne, mais en leur donnant la vérité des choses, en les assurant de la bonne foi du gouvernement et en les sensibilisant à la nécessité d’une mobilisation générale pour le travail et d’une implication responsable dans la mission de sauvetage de la situation de notre pays, surtout des points de vue économique et social.

Il faut reconnaître que les divergences à propos de la loi de finances 2018 ne font que commencer et que dans le projet du gouvernement, il y a forcément à prendre et à laisser. Autant dire que dans les discours de la place aussi, ceux de l’opposition et ceux de la critique civile ou citoyenne, il y a également à prendre et à laisser. Donc, une quelconque imperméabilité à l’apport d’autrui, d’un côté comme de l’autre, ne ferait qu’accentuer les malentendus et transformer l’échange démocratique en une incompatibilité d’humeurs et une animosité de peu de raison.

Je le redis encore : à mon avis, la part d’influence d’une opposition ne se gagne pas toujours par une rigidité idéologique et par une raison inconciliable. Elle peut se gagner plus heureusement par l’apport constructif, même, autant dire « surtout », de l’extérieur du cercle de décision. Être une force de proposition, en tout temps, permet à l’opposition de fédérer autour d’elle les sentiments de confiance en l’avenir. Le parti de Mohsen Marzouk semble le plus convaincu d’une telle démarche. Raison pour laquelle j’ai souvent dit que le Secrétaire général du Machrou et le président du Gouvernement ne sont pas aussi inconciliables que d’aucuns prétendent.

Entre cette attitude du Machrou et l’intransigeance du Front Populaire, plusieurs partis sont dans la mouvance incertaine. Ils sont aujourd’hui appelés à penser leur intérêt et leur avenir politiques en étroite articulation à ceux de leur pays. De ce point de vue, une opposition de proposition est parfois aussi utile et aussi appréciable, sinon plus, qu’une force de coalition. Le pire serait dans l’opposition pour l’opposition ou dans la coalition pour le profit personnel et l’opportunisme de situation.