Remaniement ministériel. Accordons le préjugé favorable
Pr. Khalifa Chater
Le nouveau gouvernement suscite des débats : Certains lui reprochent la priorité qu'il accorde aux capacités plus qu'à la dimension politique. Le gouvernement est formé des representants du parti Nida Tounis (6 charges ministérielles) et de l'UPT ( trois charges) et des technocrates confirmés.
Peut-il alors obtenir une majorité confortable, au sein de l'Assemblée ? Ayant dépassé l'affrontement identitaire, produit de la bipolarité idéologique, le nouveau gouvernement doit engager son programme économique et social, pour assurer la relance économique et répondre aux attente des acteurs de la révolution. De ce point de vue, on risque de mettre à l'ordre du jour, une confrontation gauche/droite, puisque le libéralisme est au gout du jour. La non participation du Front populaire et du Massar, deux formations de gauche -aurait-elles abandonné le discours marxiste ! - risque de conforter la démarcation. Nous pensons plutôt, que la prise en compte des assises de l'UGTT, l'ampleur de la crise sociale et la conscienisation des acteurs de la révolution constitueront des lignes rouges et imposeront l'adaptations des préférences libérales au contexte des revendications.
Dans le cadre de son option technocratique, le gouvernement Essid a rassemblé, autour d'une dizaines de politiciens, de grands spécialistes, dans les domaines socio-économiques. Ils devraient exercer leurs talents, dans le cadre de l'engagement politique que necessite la conjoncture et la promotion globale de la société.
Fait positif, peu mis en valeur par les observateurs, le nouveau gouvernement fait le pari sur la jeunesse et les femmes. Le remaniement ministériel, qui n'intégre pas les grandes capacités politiques et économiques, de l'ére pré-révolution, donne le pouvoir à une nouvelle génération. Les moins de cinquante ans dominent la nouvelle équipe. Ils doivent identifier les solutions des temps présents, d'après de nouvelles visions.
La nouvelle économie, la gestion des affaires et la guerre sécuritaire asymétrique ont réactualisé les visions, les mécanismes et les stratégies d'action. D'autre part, le nouveau gouvernement accorde une place importante aux femmes : 3 ministères (emploi, culture et femmes) et 6 secrétaires d'Etat. Leur entrée en scène, lors des manifestations de l'été 2013, pour imposer la défense du Code du Statut Personnel, l'égalité de genre et l'émancipation sociale globale a permis de corriger le processus de transition et d'écarter les élans passéistes. Ce retour aux normes devrait dépasser le statu quo des acquis et ouvrir de nouvels horizons, en vue d'une égalité réelle. Ainsi, l'exception tunisienne serait affirmée.
La présentation du nouveau gouvernement, devant le parlement, permettra l'examen de son programme d'action et de ses priorités. Comment assurer le redressement ? Quel est le timing ? Quelles réformes et quels chantiers de développement. Le nouveau gouvernement adapte la feuille de route de Nida Tounis aux programmes des partis que le premier ministre a consultés. La consultation des différents acteurs de la société civile et la concertation entre les partis doivent compenser la formule technocratique. Accordons le préjugé favorable, à ce gouvernement qui doit rapidement entrer en action.
