Retour sur l’unification des enfants du « Destour »
Par Mansour M’henni
Les indices d’une imminente restructuration de la scène politique tunisienne, surtout de sa composition partisane, sont de plus en plus évidents.
La crise du pouvoir à l’entrée de cet été a donné une nouvelle impulsion à la dynamique d’évaluation du poids respectif de ces deux cents partis qui ont pollué le paysage et qui, se limitant à une simple adresse ou presque, n’ont réussi, jusqu’ici, pour la plupart, que la fonction de parasitage. Il faut croire aussi que la signature, par neuf partis seulement, de la feuille de route du prochain gouvernement « d’union nationale » a permis de mieux se rendre compte de la fragilité du tissu politique tunisien. Heureusement peut-être, car il est bien temps que les partis soient reconnus à leur impact et à leur apport participatif dans la dynamique du développement général ! En gros, rappelons-le, la scène politique finirait par s’organiser concrètement autour de trois composantes fondamentales : une Droite, une Gauche et un Centre, avec deux composantes intermédiaires : un Centre de droite (ou Droite centriste) et un Centre de Gauche (ou Gauche centriste). Ce qui est typique aujourd’hui en Tunisie, c’est que dans chacune de ces configurations, on trouve plusieurs partis pourtant incapables de se fédérer en une composante unifiée capable d’avoir plus d’effet. Au final donc, le document signé peut s’avérer peu représentatif de la portée populaire des partis signataires, à part Ennahdha, la mouvance du Nidaa où on intégrerait le « Machrou’ », et les deux « ailes » du libéralisme économique symboliquement représenté par l’UPL et Afek. En termes de représentativité symbolique encore, on signalerait l’implication de Massar qui reste tributaire de plusieurs conditions et foncièrement coordonnée avec l’UGTT, comme on signalerait la présence « destourienne » essentiellement représentée par Al-Moubadar Al Watania. Pour certains, c’est assez pour commencer à construire ; pour d’autres, c’est une formalité qui ne tardera pas à dévoiler ses insuffisances. L’avenir le dira. Mais pour l’heure, des questions se posent sur l’évolution de la « base destourienne » par rapport à l’évolution des événements et par rapport surtout au leitmotiv de son unification. Autant signaler d’emblée la grande déception de cette base quant à ses leaders classiques, même si, à l’évocation de chaque nom sur les réseaux, on ne manque pas de collecter les appréciations laudatives et les appels au leadership. Pourtant, rien de conséquent ne s’annonce vraiment. Dernièrement, Hamed Karoui, qui, comme nous l’avions remarqué il y a longtemps déjà, était l’un des rares à pouvoir sauver la mouvance politique destourienne déjà au début de 2011, a annoncé le congrès de son « Mouvement Destourien » pour le 13 août 2016 (Tout le monde cherchant à inscrire sa légitimité dans la référence à une date symbolique). Il n’a cependant pas manqué de souligner qu’il avait initié ce mouvement « pendant que les autres ne faisaient rien », effaçant du même coup les initiatives précoces, au moins, de Mohamed Jgham, Kamel Morjane et Ahmed Mansour (pour ne citer que ceux qui ont pu bénéficier d’une représentativité électorale, isolés ou en coalition). Du coup, après l’échec d’un projet d’alliance contre nature avec l’UPL, la famille d’Al-Moubadara Al-Watania ne manque pas d’en rire sous cape, et son président de souffler à ses proches qu’il est le seul à même de regrouper les Destouriens. Or, au même moment, ses députés à l’ARP signaient leur volonté de rejoindre le groupe parlementaire de Nidaa Tounès, pour le bonheur du vice-président du parti, Mohamed Jgham, depuis longtemps favorable à cette alliance du fait de l’enracinement de ce grand parti dans le référentiel bourguibien assaisonné de l’arôme de la gauche centriste et du parfum de la droite centriste. De son côté, le disque de la création d’un autre parti, présidé par Mondher Znaïdi continue de tourner même après que l’un de ses dynamiseurs les plus en vue, Taoufik Baccar, a repris l’essentiel de son équipe pour créer son forum économique qu’on considère, de l’intérieur, comme le premier du genre, sautant à pieds joints par-dessus celui de Mehdi Jomaa et de Rafaa Dkhil. Sans parler des autres groupuscules qui cherchent encore la solution idoine, force est de reconnaître qu’une très grande partie de ceux qui se reconnaissent de la « destourianité », cadres ou simples partisans, sont un peu partout dans les partis constitués : Ennahdha d’abord et Nidaa, mais aussi Massar, UPL et Afek. Machrou’ aussi évidemment, et de façon de plus en plus remarquable ! En fait, en l’absence d’un nouveau Bourguiba qui paraîtra peut-être dans vingt ans, selon le dicton, la solution pour les « Destouriens », et nous l’avions souligné précédemment, reste un grand rassemblement sans direction, où viendraient tous ceux qui se reconnaîtraient de la famille et qui éliraient un premier bureau politique, appuyé d’un comité central : candidatures déposées sur place et élections aussi. Avec l’engagement de tous les présents de constituer la base de cette nouvelle formation vraiment issue de la base. Obligation sera alors pour le Mouvement Destourien, Al-Moubadara Al-atania et toutes les autres formations virtuelles de se joindre à la base pour retrouver le sens premier de la démocratie, sans lequel aucun avenir ne leur serait concevable.
