Un nouvel espace associatif pour interroger les concepts et penser l’avenir

Par Mansour M’henni  

On a beaucoup spéculé sur ce qui distingue l’être humain du reste de la création ; pour les uns ce serait le langage, pour d’autres l’intelligence. 

Je serais tenté, pour ma part, de dire « la compétence interrogative », la capacité de s’interroger sur soi et sur le reste de l’univers, une capacité qui cumule les deux premières : la compétence langagière et la compétence intellectuelle, pour autant qu’on puisse les séparer.

La question est étroitement liée à la notion de vérité et c’est pourquoi elle est essentielle et revêtirait une importance existentielle et ontologique. To be or not to be, that is the question. Etre ou ne pas être, c’est la question !

Par ailleurs, le propre de la question est qu’elle est toujours tournée vers l’avenir, même quand elle a le passé pour objet ; et la notion d’avenir est aussi une question spécifiquement humaine quand elle est filtrée par l’intelligence, autrement dit quand elle est objet d’interrogation et non un simple cheminement atavique, inné et n’engageant aucune volonté responsable.

Mais penser l’avenir, l’interroger pour mieux le penser, s’articule nécessairement à des concepts, en cela que les concepts sont des créations qui ont des projets en perspective. Ils sont, selon l’Académie, comme « les briques élémentaires de l’univers intellectuel de l’être humain ». C’est pourquoi un concept doit être rigoureusement défini et stabilisé, « afin de servir de fondement, de principe ou d’idée explicative », à la différence d’une notion qui serait « une idée, une tentative de regroupement, mais une idée flottante ou fluctuante, non stabilisée, non-régulée par une définition précise ».

 

Malheureusement, nous constatons ces derniers temps, chez nous et ailleurs, chez nous plus qu’ailleurs peut-être, une telle légèreté à considérer les concepts dans l’essentiel de leurs définitions et dans leurs principes de fondement qu’à chaque fois que nous les convoquons pour interroger notre présent dans la perspective d’un avenir meilleur, nous nous perdons dans des considérations futiles et des sophistications ruineuses pour nous retrouver à tourner en rond dans le cercle vicieux de la rhétorique démagogique et dans les duels irascibles pour le pouvoir et la manipulation.

Il nous paraît urgent de nous remettre à interroger notre condition et à converser sur la façon d’engager notre destin, sur la base de concepts clairement définis et dans la perspective des intelligences croisées au profit du meilleur avenir à partager. Tout le monde doit s’y mettre, chez nous surtout, toutes les cellules du corps sociétal : l’individu, la famille, l’école, l’institution, la structure politique, l’unité associative, l’espace public avec ses variantes, etc.

Forts de cette conviction et de la volonté d’y prendre part de la manière la plus constructive, un groupe de citoyens a initié, sous forme d’association, un nouveau cadre d’interrogation et de conversation, de réflexion et d’action, baptisé le « Forum des Questions et des Concepts d’Avenir ». La dénomination « Forum » donnée à cette association se justifie par l’idée d’un projet qui se situe à l’intersection de la pensée et de l’action et à la rencontre des intellectuels dits d’élite et des citoyens de toutes catégories, de la coopération constructive aussi entre les institutions étatiques et les structures d’engagement citoyen. Ce qui est à retenir ici du sens du mot « forum », davantage de son équivalent grec, l’agora, que de son référent étymologique latin désignant le « marché », c’est la notion d’espace public, ouvert sur l’altérité pour les débats et les discussions, autrement dit l’idée d’un lieu représentatif de l’acte de conversation.

 

Si l’association est à l’ultime étape de sa constitution juridique, son action n’a pas tardé à se manifester, parrainée par des associations amies déjà constituées, prenant la forme d’une rencontre périodique appelée à devenir le label de la nouvelle association dont elle porte le nom.

La première édition du « Forum des Questions et des Concepts d’Avenir » aura donc lieu les 8 et 9 juillet 2017 entre les deux villes de Mahdia et Monastir. Elle se penchera sur quatre concepts qui sont sans doute au centre du débat à mener, plutôt de la conversation à entretenir à propos de la Tunisie de demain pour ce qui engagerait son fonctionnement interne et pour ce qui informerait son inscription dans son environnement régional et/ou universel. Ce sont les concepts de « Méditerranéité, conversation, démocratie et vivre-ensemble ».

Vaste programme et riche menu en perspective, dirions-nous ! Et ce n’est encore qu’un tout début, nous répliquerait-on. Mais l’essentiel est peut-être d’abord de mettre la main à la pâte.