Une autre conscience pour un meilleur destin
Par Mansour M’henni
Dois-je accepter comme une fatalité l’extrême faillite des gens de ma communauté ? Dois-je conclure à l’impossible redressement de nos mœurs et à l’irréparable dérapage de notre raison ?
Il faut bien avouer que la tentation est grande de se laisser aller vers un tel constat, quand on lit et écoute certains commentaires en vases communicants entre les réseaux sociaux et les discussions en petits cercles. Cela est d’autant plus déplorable qu’il s’agit de comportements émanant de personnes se prétendant les champions de la science et de la conscience, de la sagesse et de la noblesse, de la méritocratie et de la démocratie !
On peut sans doute gloser longuement sur ces gens et leurs comportements, mais cela ne nous mènerait nulle part car, d’évidence, leurs motivations et leurs objectifs sont autres que ceux dont ils cherchent à convaincre. Ils sont juste obnubilés par leurs dépits ou leurs ambitions personnelles, aveuglés par leur narcissisme et leur égoïsme. Ils réduiraient tout le monde au silence et concluraient à l’impuissance et à l’incompétence de tous leurs semblables, dans le vain espoir de se faire un Etat ou une communauté à la mesure et au gré de leurs désirs profonds et de leurs complexes invétérés.
Pourtant, il leur suffirait de s’attarder, un tant soit peu et aussi objectivement que possible, à analyser leurs discours et leurs comportements pour en dégager l’incohérence flagrante et la banalité farcesque et pour se découvrir, finalement, dans leur vraie nature. Des manipulateurs comme il n’y en a que trop, avec parfois des signes de succès auprès de certains crédules, mais avec un lamentable échec attesté à l’épreuve du temps et par les revers de l’accumulation.
Malheureusement, les comportements de cet ordre ne cessent d’infester le tissu social d’un pays à la recherche de nouveaux repères pour un nouveau redressement. Il y en a beaucoup dans les partis politiques, devenus, pour plusieurs d’entre eux, des écoles du genre. Il y en a de plus en plus dans l’exercice public, faute d’un minimum de discipline et de respect. Il y en a un nombre non négligeable dans cette catégorie qu’on nomme l’élite parce que supposée regrouper des gens pourvus d’intelligence et de rationalité, ajoutées à un savoir certain et à quelques expériences. Le plus grave et le plus malheureux, c’est que, dans la juste lignée d’un sophisme de basse échelle, ces gens ne font souvent que régler des comptes personnels, ravivant leurs petites rivalités pour les affubler de mots pédants et d’une rhétorique fallacieuse, croyant ainsi réussir à arborer indéfiniment des allures avantageuses.
Il est temps, me semble-t-il, d’agir en société pour mettre à nu ces supercheries et pour contribuer à l’instauration d’une façon d’être à l’altérité et d’une juste logique du droit à chacun de participer à la chose commune. Les disputes de bas niveau entre personnes supposées à grands diplômes dénigrent le statut même des diplômes et rappelle la sagesse populaire qui dit que l’intelligence ne se mesure pas aux diplômes. Il y en a de ces gens simples qui, forts de cette simplicité, justement, observent intelligemment les faits et les choses et raisonnent profondément de leurs effets et de leurs causes, avec une marge de doute qui n’interrompt jamais l’interrogation et l’approfondissement de la pensée. Ceux-là sont peut-être les vrais philosophes des temps modernes, bien que n’ayant jamais été dans une classe de philosophie, ni en tant que maîtres ni en tant que disciples, donc ni endoctrineurs ni endoctrinés.
Il est vrai que nous passons par une période de fatuité spectaculaire, mais ce ne saurait perdurer. Le temps viendra où, dans mon pays et ailleurs, une autre conscience, maintenant en veille et en petite lumière, jaillira de sa pleine lumière et ouvrira la voie vers un meilleur destin où l’intelligence aura pour jambes la modestie et le respect, afin d’aller bien loin au service des hommes et des sociétés.
