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Chronique12/12/2019 à 12:21

A la cérémonie d’Installation de la délégation tunisienne de La Renaissance à la française

A la cérémonie d’Installation de la délégation tunisienne de La Renaissance à la française

Une cérémonie d’installation de la délégation tunisienne de La Renaissance Française a été organisée mardi 10 décembre 2019 à l’ISSAT de Mahdia, 

en présence des représentants des autorités locale (Municipalité de Réjich) et régionales (Gouvernorat de Mahdia et Université de Monastir) et du président international de la RF, M. Denis Fadda. Précisons que celle-ci est une association internationale créée en France en 1915 et qu’elle a des délégations dans quarante pays, répondant aux lois des associations internationales des pays hôtes, présidées par un comité national de chaque pays et ayant un comité co-présidé par l’ambassadeur de France dans ce pays et une éminente et rayonnante personnalité nationale du même pays. A la veille de la commémoration du cinquantième anniversaire de l’OIF et de la tenue en Tunisie du 18° Sommet international de la francophonie, la délégation tunisienne nouvellement installée a pour président le Professeur Hédi Ben Mansour, spécialiste en sciences biologiques, biotechnologie et santé, de même qu’en sciences agronomiques, en biotechnologie agro-alimentaire et en toxicologie. Il est aussi directeur de l’Institut Supérieur des Sciences Appliquées et de Technologie de Mahdia (Université de Monastir). Quant à la présidence d’honneur (partagée avec son Excellence l’ambassadeur de France en Tunisie), elle a été attribuée au Professeur émérite Mansour M’henni, de l’Université Tunis El Manar. Nous donnons lecture, ci-dessous, de l’allocution de M. Mansour M’henni prononcée à l’ouverture de la cérémonie d’installation de la délégation tunisienne de la RF.

Mesdames, Messieurs, 

De quelque point de vue historiciste qu’on la prenne, la Renaissance constitue un moment nodal de l’évolution humaine et quels qu’en soient les inspirateurs, à distances spatiales et temporelles plus ou moins éloignées de ce moment focal, la Renaissance française en constituerait la configuration la plus accomplie et la plus féconde en matière de développement de la pensée et de la créativité.

Née d’une dynamique artistique italienne, la Renaissance s’est concrétisée en France comme une synthèse de l’évolution culturelle et civilisationnelle de l’humanité, inscrite dans le sens du progrès, mais sans déni des acquis du passé, aussi lointain soit-il, pour peu qu’il puisse initier une idée d’avenir. C’est une synthèse dont on dirait ce que Nerval aura écrit au XIX° siècle : « L'aigle a déjà passé, l'esprit nouveau m'appelle », mais à propos de laquelle on citerait aussi Alexis de Tocqueville : « Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres », ou le grand Victor Hugo : « L’avenir est une porte, le passé en est la clé ».

De mon humble avis, la Renaissance française a instauré une nouvelle façon d’être à soi et au monde, fondée sur la mise en valeur de l’être humain en tant qu’individu responsable donc libre, libre donc responsable, de par une nouvelle intelligence de l’existence acquise et fondée sur une rationalité renouvelée. Celle-ci s’inscrirait dans cette logique de prise en considération du passé pour éclairer l’avenir, autrement dit dans une (dé-)marche évolutive, à l’origine peut-être de la dialectique du classicisme et du baroque en tant que pensée, une dialectique qui marquera particulièrement le XVII° siècle, mais qui n’en est pas moins éternelle, car « ontologique », dirait Eugenio d'Ors. C’est pourquoi, je ne saurais adhérer à la thèse qui ne voit entre la Renaissance et l’humanisme qu’une coïncidence temporelle. Au contraire, les deux concepts me semblent étroitement liés et constituer comme les deux pages d’une même feuille de l’histoire culturelle et de la civilisation.

Il est évident, également, qu’on ne saurait nier ici l’effet de régénération d’un pan fondamental de la philosophie, celui dont on ressentirait le souffle chez Montaigne, en référence à Socrate et par-delà Aristote, et qu’on verra s’épanouir et resplendir de toute sa lumière, dans le siècle fort justement nommé celui des Lumières. En matière de recherche scientifique au moins, nous sommes relativement nombreux aujourd’hui, à nous inscrire dans ce sens, au moins dans quinze pays et quatre continents, depuis que nous avons lancé, en 2012, le concept de « Nouvelle Brachylogie », inspiré de la pensée socratique.

Voilà pourquoi la Renaissance française est étroitement en action, directement ou indirectement, dans la façon d’être et de faire non seulement du monde francophone, mais plus largement dans le monde de par les croisements et les interactions de la francophonie avec les autres langues et les autres cultures. Voilà également pourquoi il nous importe de toujours rappeler que, dans la juste perspective de la logique réformiste de la vie des hommes, la Renaissance est vouée à toujours renaître : une continue renaissance de la Renaissance. Cultiver ainsi ce qu’il conviendrait d’appeler « l’esprit de renaissance ». N’est-ce pas cet esprit de renaissance qui a présidé à la Renaissance arabo-musulmane avec ses tendances toujours en tension, aujourd’hui autant qu’hier, sinon plus ? N’est-il pas temps de rationaliser la conversation autour de ce conflit, de le repenser pour construire un meilleur vivre-ensemble ?

De ce point de vue, on comprend mieux l’importance de la décision qui a présidé à la fondation de La Renaissance française, en 1915, avec un objet lié à son contexte, mais un objet qui a nettement évolué depuis. Force est donc d’apprécier à sa juste valeur la volonté des gens qui n’ont cessé de s’activer et qui s’activent toujours à réussir ses objectifs en continue renaissance pour évoluer dans le sens des grandes questions des rapports entre les peuples.

En effet, la conjoncture de la création de l’association La Renaissance française lui commandait d’œuvrer à « la réintégration dans la communauté nationale des populations lorraines et alsaciennes des territoires occupés depuis 1871 par l’Allemagne » et à «faciliter leur retour dans la mère patrie », après presque 50 ans de rupture. A ce mouvement centripète de l’action de l’association, mû par un patriotisme sincère et on ne peut plus légitime, s’est substitué un mouvement centrifuge en harmonie avec l’évolution de la façon de voir l’Autre et d’interagir avec lui. Et nous voici avec une association ayant pour mots clés « Culture, Solidarité, Francophonie » et pour ambition : « promouvoir la culture, œuvrer pour la paix, distinguer les mérites ».

Par ailleurs, certaines sociétés ont certes hérité de la période coloniale une réticence plus ou moins marquée à l’égard de la francophonie, perçue comme un stratagème néocolonial ; mais la réalité du terrain et l’évolution des idées, d’un côté comme de l’autre, ont rétabli l’espace francophone, aujourd’hui, dans une dynamique d’humanisation du développement solidaire pour un vivre ensemble assoiffé d’intercommunication, de paix et de bien-être partagé.

Il n’est donc plus justifié de voir dans la langue française une rivale de la langue nationale, et encore moins une ennemie. Il faut au contraire trouver dans la francophonie l’opportunité adéquate pour contribuer au rayonnement de la culture nationale. Plus encore, il faudrait repenser, ensemble, les stratégies de partenariat qui s’y créeraient pour amener la prospérité équitablement partagée, dans les pays ayant la francophonie en partage. C’est pourquoi, il conviendrait de saluer l’implication, dans ce projet, des spécialistes des disciplines scientifiques et techniques et de féliciter le nouveau-né en ce lieu, en l’occurrence la délégation tunisienne de La Renaissance française, d’avoir un président scientifique et technologue. L’interdisciplinarité est une chance, sachons en profiter.

En effet, l’urgence des risques encourus sur le plan planétaire, surtout pour les générations à venir, impose à l’espace francophone, comme à l’humanité entière, de s’engager sincèrement et activement dans un nouvel humanisme de rationalisation de la gestion des richesses naturelles et de la sauvegarde de l’environnement. Aussi devons-nous repenser, dans l’action francophone et dans les activités de La Renaissance française, une nouvelle renaissance centrant la philosophie néo-humaniste sur la question de la soutenabilité et ses différents volets.

La conscience de notre condition d’humanité nous place devant des défis majeurs à relever et de lourdes responsabilités à assumer, pour mériter notre statut d’humanité. L’engagement dans une action associative à caractère international, comme La Renaissance française, ne peut que conforter cette démarche en aidant à se débarrasser des préjugés que nous aurions les uns sur les autres et à comprendre que le salut réside dans la solidarité, en société nationale ou internationale, et que la culture francophone est un puissant moyen pour servir cette noble valeur et ses implications sociétales.

Merci de votre attention.

Economique Jawhara FM

jmc
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