Apprendre de l'histoire


Pr. Khalifa Chater
Vérité fondamentale, l'histoire ne se répète pas. L'événement a toujours lieu dans un contexte particulier,
qui définit sa spécificité. Néanmoins, ses repères sont des expériences géo-sociologiques, des praxis politiques, qui invitent à la réflexion, révèlent des schémas de pensées et dotent le politicien d'exemples sinon de modèles, que les grilles de valeurs de chaque conjoncture différentie.
Repère important de l'histoire tunisienne, l'endettement de la Régence au XIXe siècle, qui a précipité la mise en dépendance et l'établissement du protectorat. Les emprunts de 1863 et de 1865 devaient susciter la banqueroute et la mise en tutelle de la régence. Cas similaire à la situation égyptienne, l'occupation coloniale est annoncée. Des mafias des affaires participèrent au pillage.
Autre repère, l'école réformatrice tunisienne, qui naquit en réaction aux velléités d'hégémonie. Mahmoud Qabadou, Khéreddine et Ben Dhiaf formulèrent des réformes, à l'appui d'une relecture des références, une sage et audacieuse remise dans le contexte. Tahar Haddad reprit le flambeau, en 1930 et mit à l'ordre du jour les thèmes de l'émancipation féminine.
L'apport de Bourguiba fut décisif. Il érigea, par la création du Néo-Destour, en 1934, le peuple, en tant qu'acteur politique, qui se mobilisa pour l'indépendance du pays. L'adoption du Code du Statut Personnel, en 1956, assura l'égalité des droits et marqua sa stratégie de promotion, de progrès et d'ouverture. De fait, depuis lors, la bataille des idées et des valeurs dominent la scène. Une véritable doctrine politique de la république commence à s'élaborer chez ses partisans.
La "révolution", œuvre des fils et des filles de l'école bourguibienne, se confirma, par son affirmation démocratique, Elle résista aux velléités de la remise en cause des acquis. En dépit de ses réussites, l'action de la révolution tunisienne fut inachevée, car restrictive dans le domaine social et complaisante avec certaines mouvances passéistes.
Objectif du gouvernement d'union nationale, la République refondatrice, qui permettrait un retour aux normes, une reprise des réformes, une ouverture d'horizon. Notre pays a toujours réussi à se régénérer après des périodes de crises. La Tunisie doit retrouver son élan. Ne sous-estimons pas les défis (récession, endettement, chômage, précarité, faible pouvoir d'achat). Un choix de grands experts peut-il opérer ce changement ? Il n'y a certes pas de baguettes magiques. Mais une mobilisation générale, encadrée par de grandes compétences, pourrait assurer la condition d'un nouvel élan. Optons pour l'espérance, malgré tout.


