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Chronique11/04/2016 à 10:57

Bourguiba, ne le sert pas le mieux celui qui croit le faire

Bourguiba, ne le sert pas le mieux celui qui croit le faire

Par Mansour M’henni 

Depuis quelques temps, nombreux sont ceux qui s’activent à défendre Bourguiba, les uns avec un certain sens de la mesure pour faire valoir la raison de l’Histoire, les autres avec un zèle inconsidéré qui, même justifié par un inconditionnel attachement et un sincère dévouement à son image, tourne souvent à l’exhibitionnisme théâtralisé et à l’agitation non constructive.

Pourtant, Bourguiba n’a vraiment pas besoin de gesticulations peu rationalisées, lui qui a été un symbole de la rationalité politique, même dans certaines de ses décisions les plus critiquables, et même aux dernières années de son pouvoir quand son entourage immédiat a cherché à jouer de l’inconstance due à la sénilité du malade pour se jouer de la conscience populaire et abuser du pouvoir.

C’est à croire qu’on n’est jamais mieux trahi que par les siens !

 Depuis 2011, plusieurs voix se sont libérées, au nom d’une réhabilitation du Zaïm, pour revenir sur « le complot médical qui l’avait renversé en 1987 », sur « l’exil forcé auquel il avait été soumis sans procès », sur « la farce honteuse de la cérémonie funéraire qui n’avait pas été retransmise par la télévision nationale », etc. On comprendrait que ces personnes se soient résignées, comme elles disent, « à un silence obligé » ; mais cela ne les autorise pas à vouloir passer aujourd’hui pour les héros du bourguibisme, surtout que parmi elles quelques-unes se sont engagées avec le régime de Ben Ali dans la stricte conformité que cet engagement nécessitait. Qu’ils se mettent aujourd’hui à diaboliser Ben Ali, qui est loin d’être un ange assurément, à l’insulter et à le traiter de tous les noms, cela ne les sert en rien, ni leur discours d’ailleurs qui finit par produire l’effet contraire de ce qui est attendu.

Peut-être faut-il se résigner à admettre que ce que fit Ben Ali avec Bourguiba relevait de la même rationalité bourguibienne, puisque Ben Ali était bien un disciple de Bourguiba ! Mais cela est une autre affaire qu’il est trop tôt d’analyser en toute objectivité. D’ailleurs, nous croyons savoir que des témoins honnêtes de « l’exil de Bourguiba » attendent l’occasion propice pour donner des témoignages à même de nuancer certaines accusations et de corriger certains faits. En attendant, pour l’essentiel, l’avenir de l’image de Bourguiba en tant que fondateur, bâtisseur et visionnaire se travaille à l’objectivité de l’analyse, à la solidité de l’argumentation et à la confrontation conversationnelle des différentes perceptions et intelligences des faits.

Crier comme un déchaîné ne saurait convaincre ; confisquer la parole au détriment de l’opinion opposée ne peut qu’enlever toute crédibilité à la parole et la doter du qualificatif « dictatoriale ». Tout chauvinisme est contreproductif.

C’est d’ailleurs dans le même état d’esprit que la revalorisation de Bourguiba ne devrait pas se limiter à un cadre local, voire régionaliste. Bourguiba est monastirien d’origine et personne ne cherche à le nier, encore moins à nier son amour pour sa ville natale qu’il a voulu reconstruire à sa façon, ce qui lui a coûté des critiques virulentes à certains moments de son règne. Bourguiba est le père du néo-destour, mais lui-même n’aurait pu empêcher que quiconque veuille se reconnaître du néo-destour. Cependant, Bourguiba est tunisien et le père attesté de la Tunisie moderne. C’est pourquoi les différentes occasions d’hommages rendus à sa mémoire gagneraient à être réparties dans tous le pays et partagées par tous ses citoyens. N’est ce pas d’une grande signification que le jour de son décès sonne comme un satellite de la fête des martyrs et que le jour de son enterrement ait été la veille de ce jour historique dans le mouvement pour la libération nationale ?

Il faudra éviter tout instinct de possessivité qui chercherait à faire de Bourguiba une propriété exclusivement monastirienne, ou sahélienne à la rigueur. Il faudrait que les Monastiriens d’abord, les Sahéliens ensuite soient les premiers à faire valoir la dimension largement tunisienne de Bourguiba en tant que leader politique et sa dimension foncièrement humaniste en tant symbole représentatif d’une pensée politique réformiste à même de briser les frontières géographiques, de traverser le temps et d’inspirer l’avenir.

Plusieurs intellectuels tunisiens, libérés des petits calculs strictement et étroitement de politique politicienne, oeuvrent en toute sérénité à mettre en valeur cette dimension hautement représentative de Bourguiba. Ils n’ont pas toujours été du régime politique au pouvoir, avec ses bons et ses mauvais dirigeants.  Ils peuvent sans doute servir l’avenir politique de la pensée bourguibienne et sa rayonnante postérité, plus que ceux qui paraissent s’activer à son service dans une passion débridée et une fougue enflammée qui pourraient voiler les valeurs bourguibiennes par trop de lumière jetée sur leurs propres personnes.

Il faudrait également que les ceux qui se reconnaissent des anciens adversaires de Bourguiba s’installent dans l’analyse historique en termes de logique politique, s’ils veulent aider à la convergence des intelligences tunisiennes vers la seule voie qui vaille : « Regarder le passé pour éclairer l’avenir ». Puis, avec toute la modestie et l’humilité des grands, tout un chacun peut se dire : « Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis».

Economique Jawhara FM

jmc
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