Cessez-le feu en Syrie
Pr. Khalifa Chater
Un cessez-le-feu global en Syrie entre régime et rebelles est entré en vigueur jeudi 29 décembre 2016, à minuit.
L'accord de cessez-le-feu a été confirmé par l'armée syrienne et la Coalition nationale syrienne (CNS), principale composante de l'opposition en exil. Au total, sept groupes rebelles, dont le puissant Ahrar al-Cham, ont signé l'accord. Après plusieurs rencontres en Turquie, entre émissaires russes et représentants rebelles, le président russe Vladimir Poutine a annoncé l'entrée en vigueur d'une trêve en Syrie. ‘‘Un événement s'est passé il y a quelques heures. Non seulement nous l'avons attendu depuis longtemps, mais aussi nous avons beaucoup travaillé pour nous en approcher’’, a dit M. Poutine lors d'une réunion avec ses ministres de la Défense Sergueï Choïgou et des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.
La conjoncture de la diplomatie russo-turque a été inaugurée par la rencontre des présidents Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, qui a scellé leur réconciliation (Petersburg, 9 août 2016). L'accord, ayant pour objectif d'assurer une sortie de guerre est intervenu exactement une semaine après la reprise totale d'Alep par le régime syrien soutenu par son allié russe, ainsi que par des combattants iraniens, irakiens et libanais. Cette victoire, la plus importante pour le président syrien Bachar al-Assad depuis le début de la guerre il y a près de six ans, crée une nouvelle donne géopolitique. L'accord d'évacuation des rebelles d'Alep a été conclu par la Russie et la Turquie. De ce fait, la carte géopolitique du Moyen- Orient fait valoir le rôle de la Russie qui développe son aire d'influence, grâce à la conjoncture de la transition américaine. La réunion de la Russie, l'Iran et la Turquie, à Moscou, le 20 décembre 2016, en vue de traiter la question syrienne, confirme les nouveaux rapports de forces au Moyen-Orient. Les trois acteurs ont adopté, à la suite de leur réunion, une "déclaration" visant à mettre fin au conflit en Syrie. Ils s'engagent à œuvrer à la mise en place d'un cessez-le-feu, dans l'ensemble du pays et à organiser des négociations de paix au Kazakhstan. Les deux absents des assises de décision, les USA, qui incarnaient, depuis l'implosion de l'URSS, l'Establishment international et les pays arabes, sujet de l'exercice hégémonique. D'ailleurs, les Etats-Unis, en désaccord continu avec la Russie sur le conflit syrien et vivant une situation d'attente, ont été écartés des négociations ayant abouti à ce nouvel accord de trêve.
L'accord, récemment conclu, annonce des pourparlers, en vue du règlement du conflit syrien. Trois documents ont été signés: un premier entre le gouvernement et l'opposition armée sur un cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire syrien, le deuxième sur des mesures visant à contrôler le respect de la trêve. Le troisième est une déclaration sur la volonté (des parties en conflit) de lancer des négociations de paix" (déclaration du Président Poutine). Des discussions devraient avoir lieu probablement en janvier à Astana", la capitale du Kazakhstan. Russes, Turcs et iraniens devaient préparer les pourparlers, entre les autorités de Damas et les rebelles, à l'exclusion des groupes radicaux Daech et Nosra. La réunion d'Astana précèdera des négociations inter-syriennes qui doivent être organisées par l'ONU le 8 février à Genève. Astana serait-elle une alternative à Genève ? Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu parle plutôt "d'une étape complémentaire".
La trêve prend acte de la recomposition du paysage des rebelles, suite à la prise de distance des modérés des mouvements extrémistes. Certains groupes modérés ont, d'ailleurs, rejoint le régime. Mais l'accord semble fragile: Russes et Turcs devraient surmonter leurs divergences sur la Syrie. D'autre part, la nouvelle équipe américaine s'accommoderait-elle d'un repli, qui l'exclurait des négociations sur la Syrie de demain et sa reconstruction, après la fin de la crise?
