Chronique : Le Sommet de Doha


Par Pr. Khalifa Chater
Ultime succès du Sommet de Doha, il a eu lieu. Vu la discorde entre Qatar et l'Arabie Saoudite, les Emirats et Bahreïn, Il a failli ne pas se tenir. Ces trois pays ont rappelé leurs ambassadeurs à Doha, le 6 mars 2014. En fait, ils s'opposaient au jeu de rôle du Qatar, critiquaient son soutien au mouvement des Frères musulmans et dénonçaient les ingérences, en conséquence, de l'émirat dans leurs affaires intérieures.
De fait, le Sommet de Doha fut abrégé, en quelques heures, le 9 décembre et fut affecté par l'absence de nombreux chefs d'Etats. Après neuf mois de querelles, mises en sourdine, les pays du Golfe se sont réunis pour étudier les problèmes communs, la sécurité du Golfe, les relations avec l'Iran, les effets de la chute du pétrole etc. Est-ce à dire, que "la présence d'un ennemi commun, (en l'occurrence Daech), a permis de mettre de côté les divisions secondaires au profit d'un objectif unitaire, qui est de lutter contre une organisation terroriste qui ne cache pas sa volonté de mettre à bas les régimes de la région", souligne Nabil Ennasri, le directeur du site l'observatoire du Qatar.
Inaugurant les travaux, l’émir du Qatar Cheikh, Tamim ben Hamad Al-Thani, a d’emblée espéré que le sommet de Doha marque « un nouveau départ dans les relations du Golfe ». Il a appelé à un renforcement de la coopération régionale face à la chute des prix du brut, qui « a affecté nos revenus et nos programmes de développement ».La déclaration de Doha - véritable exercice de style diplomatique de consensus- et la motion finale conjuguent les généralités. Elles évitent les clarifications, pour satisfaire tout le monde. Le différend entre Qatar et ses partenaires est éludé. Le soutien de l'ensemble des pays du Conseil du Golfe au régime égyptien et sa reconnaissance du nouveau parlement libyen, attestent l'alignement du Qatar sur les positions de ses partenaires. Il occulte ainsi sa connivence avec Morsy et son ancienne position, en Libye. L'abdication de l'émir du Qatar cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, avait contribué à réviser la diplomatie de son pays. Cependant, ce jeu de rôle du Qatar, relayé par sa chaîne Al Jazeera n'est guère abandonné. Il serait cependant exagéré d'affirmer que "les fondamentaux de la guerre froide du Golfe entre Riyad et Doha demeurent et que nous sommes davantage dans une détente en trompe-l'oeil que dans un réel mouvement de dégel des relations", comme l'estime Nabil Ennasri.
Conséquence du climat d'hésitation, les mesures importantes de l'ordre du jour telle que la dynamisation de l'unité du Golfe et la mise sur pied d'une armée commune, renforcée éventuellement par des alliances avec la Jordanie, le Maroc et l'Egypte, ont été reportées. Le Sommet a cependant décidé de créer une force navale commune, dont le siège est Abu Dhabi, en attendant de créer les conditions d'une unité des pays du Golfe. Répondant à cette initiative de coopération stratégique, l'Iran réagit en mettant à l'ordre du jour des projets d'une alliance tripartite, avec l'Irak et la Syrie (Mohammed al-Madhhaji, "l'Iran réplique et organise un congrés parallèle à Téhéran", Al-Quds al-Arabi, 13 décembre 2014). Est-ce à dire, qu'on en revient à la dichotomie sunnite/chiite, sans objectif religieux ?



