Chronique : Tuer l’UMA et assister à son enterrement
Par Mansour M’henni
Un débat plein d’amertume et de désolation a été réenclenché par une récente déclaration de Sa Majesté le roi Mohamed VI du Maroc lors d’une visite africaine l’ayant conduit à Addis Abeba : « La flamme de l’UMA s’est éteinte ».
On s’accorde bien sur la véracité de cette affirmation, mais ce qui suscite les différentes réactions, c’est qu’elle soit dite, de façon aussi tranchée, par un monarque dont le pays a largement contribué à la naissance de l’organisation maghrébine. Mais on le sait bien maintenant, le roi du Maroc ne mâche pas ses mots sur certaines réalités et n’hésite pas à crier très fort ce que d’autres dirigeants des pays concernés préfèrent caresser dans le sens du poil par diplomatie ou, diraient certaines gens, « par hypocrisie ».
Pourtant, le chemin est long ayant conduit le projet de l’idée née d’un besoin géostratégique, la réunion de Tanger en 1958, à sa concrétisation dans une structure officielle, l’Union du Maghreb Arabe (UMA), le 17 février 1989 à Marrakech. Mais six ans plus tard, cette jeune organisation a été frappée d’une léthargie endémique, la réduisant à un poste de Secrétaire général le plus souvent nommé indépendamment d’une vraie stratégie maghrébine de développement.
Dans l’inflation de la valeur maghrébine institutionnalisée, les structures africaine (l’Organisation de l’Unité Africaine née en 1963 et remplacée en 2002 par l’Union Africaine) et méditerranéenne (l’Union Pour la Méditerranée s’imposant en 2008 contre l’Union Méditerranéenne) ont pris plus de visibilité et manifesté plus de pertinence. Elles aussi ont cédé les feux de la rampe au spectacle des conflits et des divisions, dans le vent d’une grande illusion cyniquement appelée « Le Printemps arabe ».
Sans doute, les difficultés connues par l’UA et l’UPM ont-elles leurs raisons profondes, ne serait-ce que partiellement, dans l’échec de l’UMA car comment réussir un regroupement macro-structurel quand ses composantes micro-structurelles sont défaillantes ?
Reste qu’au-delà de ce tableau sombre, il faut se garder de remettre en question la notion de maghrébinité, ni d’ailleurs celle de méditerranéité, dont les racines historiques et l’opportunité géostratégique sont indéniables.
Pour rester dans le propos, le Maghreb est bel et bien une réalité régionale incontournable ; il a ses fondements dans l’affect et l’intellect des gens de la région et il continue d’y vivre comme un projet imminent et comme une ambition à portée de main. Le travail à sa réalisation est ininterrompu dans les cadres culturel, éducatif et social. On peut énumérer plusieurs repères historiques tous aussi édifiants à ce propos ; qu’on se souvienne ici de deux d’entre eux :
¤ Malgré le conflit sur le Sahara, et dans le respect mutuel des positions des uns et des autres, les penseurs, les créateurs et les chercheurs algériens et marocains continuent de collaborer dans l’amitié et d’échanger les visites, de dynamiser l’échanger et d’édifier l’avenir commun. En concert d’ailleurs avec leurs collègues tunisiens.
¤ Dans les moments de difficulté de l’économie tunisienne, du fait de la dure épreuve du terrorisme, les Algériens ont afflué par milliers pour soutenir le tourisme tunisien et aider la Tunisie à demeurer debout dans la tempête.
Le souvenir de la Guerre d’Algérie et du statut symbolise qu’en a gardé la ville frontalière de Sakiet Sidi Youssef, ainsi que celui de la « décennie noire » du « pays d’un million de martyrs » ne sont jamais oubliés de par la valeur de solidarité qu’ils actualisent dans tous les temps difficiles.
De fait, osons croire que l’UMA ne soit pas une bougie qui « s’éteint » à la consumation de sa cire, mais une lampe à huile ou à pétrole à laquelle le liquide est fourni à chaque fois qu’elle donne des signes d’épuisement. Il est certes malheureux que la conscience politique ne fasse de ces arguments frappants qu’un prétexte de propagande et de manipulation ! Mais comme pour tout rêve qui se nourrit d’abord de la volonté du (des) peuple(s) concernés, le destin finira inéluctablement par y répondre.
