De la notion d’autorité dans la socialité de la culture et du savoir
Par Mansour M’henni
Une récente conversation avec des amis s'est attardée sur des attitudes étonnantes de concitoyens supposés devoir servir d'exemple en montrant, à leur façon d'être et de faire, ce qui servirait le mieux l'édification sociétale. Des noms ont été évoqués, mais cette chronique n'a ni le droit ni l'incorrection de les nommer. Elle accepte juste de répondre à la sollicitation des discutants de poser le problème et d'inviter à y réfléchir pour peut-être secouer certaines consciences.
La conversation est partie d’un statut sur Facebook répondant à une attitude de grand dépit, allant jusqu’à l’incorrection, à l’égard d’un critique littéraire s’étant permis de critiquer certains aspects dans un roman qu’il devait présenter dans une rencontre publique à l’occasion de sa parution. Sans doute le ton même de la réponse a-t-il emprunté le souffle de la lettre de l’écrivain et très vite, il devenait difficile de distinguer le débat intellectuel du règlement de compte qui, d’un côté comme de l’autre, cherche à blesser et à ternir l’image de l’autre. Il est dit que cette attitude n’est pas isolée et qu’elle tend à se généraliser, ce qui serait alors vraiment déplorable.
De là, on est passé aux rapports des universitaires entre eux et un constat a été souligné : en Tunisie, on accepte difficilement qu’un collègue de proximité réussisse une tentative d’innovation et en tire un certain rayonnement international. Evidemment, quand le collègue vit à l’étranger, on accepte (peut-être à son corps défendant) le fait et on s’en accommode ; mais ici et maintenant, chez nous, de nombreux universitaires se sentent plus à l’abri de théories de seconde main venant d’ailleurs, plutôt que d’entrer en interaction constructive – une vraie conversation au sens philosophique – pour accompagner la pensée du compatriote soit en le critiquant positivement, soit en approfondissant sa pensée avec lui et avec ses partenaires.
Et notre conversation de glisser vers certaines pratiques universitaires de certains enseignants qui, abusant des moments où ils avaient réussi à exercer sur leurs « disciples » une autorité dépassant le cadre intellectuel et à leur imposer un suivisme rabaissant, continuent sans vergogne à manipuler ceux qui sont devenus des collègues pour les charger des basses besognes de certaines revanches ou de suspectes animosités indignes du statut de ces produits de l’Université Tunisienne.
Un peu dans la même perspective ou presque, on a évoqué le cas de certains enseignants chercheurs, jeunes ou moins jeunes, qui se plient en quatre devant un collègue titré et pouvant figurer dans un jury de promotion, jusqu’au moment où ils obtiennent leur grade en vue, pour se retourner ensuite contre le collègue en question à la faveur des courants d’animosité de toutes sortes. Certains des conversants en présence se sont étonnés que ces enseignants chercheurs, comme d’ailleurs certaines figures culturelles, passent subitement du plus haut point de complaisance à l’égard d’une figure convoitée pour un profit quelconque, au plus bas degré de respect d’une affectivité jugée inutile pour la suite du chemin de carrière. Plus de « j’aime » sur sa page Facebook, plus de commentaires laudatifs non plus même s’ils sont justifiés, aucun contact même car « LE MONSIEUR D’AUTORITE » peut capter ces commentaires et blâmer leurs auteurs.
Voilà une série de remarques dont l’auteur de la présente chronique a essayé de rendre compte, aussi fidèlement que possible, avec la conclusion tirée de la conversation en question : « Tout semble à refaire : les systèmes et les méthodes d’enseignement, l’éducation à l’éthique de société, l’(auto)apprentissage de l’humilité et du vrai respect, etc. ». Peut-être est-il temps de faire de cette conclusion un nouveau sujet de conversation… pour la reconstruction ?!
