Débats Trump/Clinton : choc de stratégies ?

Pr. Khalifa Chater

Lester Holt, le présentateur star du NBC Nightly News a été chargé de modérer le débat, entre les deux candidats démocrate et républicain. Vu l'opposition entre les deux personnalités (tempéraments, itinéraires, expériences, styles), on s'attendait à une rencontre spectacle, un show médiatique électoral inhabituel, hors normes.

Pendant 90 minutes, les deux rivaux se sont affrontés sur leur vision de l'avenir, l'économie, la sécurité, la politique étrangère et d'autres sujets comme la feuille d'impôt de Donald Trump ou les emails d'Hillary Clinton. Dépassons les attaques personnelles, les coups bas, continuant des mois d'invectives, par médias imposés et essayons de tracer la ligne de démarcation, entre les deux visions. Donald Trump, a été très critique de l'administration Obama. Il  a interrompu régulièrement sa rivale qu'il a décrite comme une "politicienne typique. Des discours, pas d'action". "Vous avez fait ça pendant 30 ans, pourquoi commencez-vous à penser à ces solutions maintenant"? a-t-il dit.  Hillary Clinton a évoqué son programme, en avançant des propositions concrètes, soulignant les progrès accomplis ces huit dernières années. "Elle n'a pas l'énergie (...) pour être président de ce pays, vous avez besoin d'une énergie phénoménale", a déclaré Donald Trump. Lui répondant, Hilary Clinton a fait valoir son expérience gouvernementale : "Quand il (Donald Trump)  aura voyagé dans 112 pays et négocié un accord de paix, un cessez-le-feu, la libération de dissidents (...) ou même qu'il aura passé 11 heures à témoigner devant une commission au Congrès, il pourra me parler d'énergie", affirma-t-elle.

Elle marqua sa meilleure connaissance de la politique étrangère; son terrain de jeu favori, grâce à son expérience comme secrétaire d'Etat. "Donald Trump dérape sur la politique étrangère" (Sept moments-clés du débat Trump-Clinton,  Libération, 27 septembre 2016). "Je veux bien aider tous nos alliés, mais nous perdons des milliards et des milliards de dollars. Nous ne pouvons pas être les policiers du monde, nous ne pouvons par protéger les pays partout dans le monde quand ils ne nous paient pas". A-t-il dit. Il attaqua son adversaire sur la question de la lutte contre l'Etat islamique. "Si vous regardez le Moyen-Orient, c'est le chaos total, dans une large mesure, sous votre direction. […] Vous parlez de l'EI, mais vous étiez là et vous étiez secrétaire d'Etat alors que le groupe n'en était qu'à ses balbutiements. Maintenant il est présent dans plus de 30 pays, et vous allez les arrêter? Je ne le pense pas".  Il l'accusa d'avoir permis l'essor du groupe terroriste en lui laissant le contrôle du pétrole, alors qu'il n'était qu'à l'état embryonnaire. En fait, Hillary Clinton n'était déjà plus secrétaire d'Etat lors de l'autoproclamation du «califat» de Daesh à l'été 2014. «J'espère que les fact-chercheurs sont en train de monter le volume et de travailler dur, lui répondit-elle. Donald a soutenu l'invasion en Irak.» Une affirmation que nie le candidat républicain. Exposant sa vision, Trump affirme : "Je veux rendre sa grandeur à l'Amérique. Je serai capable de le faire et je ne pense pas qu'Hillary le pourra. Mais si elle gagne, je la soutiendrai totalement". Réponse d'Hilary Clinton: "Donald, je sais que vous vivez dans votre propre monde". Mme Clinton, qui a déjà participé à plus de 30 débats politiques depuis l'an 2000, a cherché à imposer une stature plus présidentielle dans la partie du débat consacrée à la politique étrangère et à la sécurité, cherchant notamment à rassurer les alliés des Etats-Unis. Donald Trump était sur la défensive. Mais sa critique de l'Establishment pourrait séduire les mécontents, alors que la stratégie de la continuité pourrait être l'objet de critiques faciles.

Les critiques ont signalé que Clinton a dominé le débat. "Vous n'avez pas tant vu une performance parfaite d'Hillary Clinton qu'une performance aussi imparfaite que possible de son opposant", a commenté après le débat John Hudak, de la Brookings Institution à l'AFP. "Aucun des candidats n'a fait de grosse erreur, Trump a raté plus d'opportunités que Clinton. Elle a semblé présidentielle, ce n'est pas une surprise", a déclaré pour sa part Timothy Hagle, professeur de sciences politiques à l'université d'Iowa (Jennie Matthew, Maison Blanche: Trump et Clinton s'affrontent dans un débat tendu, AFP, 27 septembre 2016). Le sondage express CNN confirme cette appréciation : 62% de 521 électeurs interrogés ont trouvé qu'Hillary Clinton avait gagné, et 27% Donald Trump. Mais ne perdons pas de vue que deux autres débats présidentiels sont prévus les 9 et 19 octobre. Est-ce à dire que les dés sont déjà jetés, en faveur d'Hilary Clinton?