Des responsabilités impliquées dans l’organisation des colloques
Par Mansour M’henni
Faut-il croire que la médiocrité commence à affecter notre société à plusieurs niveaux de sa dynamique vitale ? Cela devient par trop inquiétant quand il s’attaque aux secteurs de la culture, du savoir et de l’éducation.
On en perçoit les indices dans certaines rencontres et manifestations culturelles ou académiques. Dernièrement encore, certains médias ont franchement mis le doigt sur ce mal dont les effets ont été par trop flagrants dans un colloque artistique et académique supposé de valeur culturelle et scientifique assurée.
Indépendamment de la nature de la rencontre, c’est le phénomène lui-même qui est à évaluer à sa juste valeur, en fonction des objectifs qui lui sont fixés. Quand elle prétend à un certain niveau intellectuel ou académique, une manifestation doit se doter de règles et de stratégies crédibles protégées par un minimum de rigueur pratique.
Il est vrai qu’il n’est pas productif que les rencontres académiques et intellectuelles soient exclusivement meublées de sommités de « grand calibre » exhibant leur savoir ou leur rhétorique devant un public profane ou peu gradé qui ne fait que les écouter avec fascination ou curiosité. Mais il n’est pas productif, non plus, qu’elles soient remplies exclusivement de débutants maîtrisant mal ou peu les méthodes et les outils nécessaires pour la conduite des produits intellectuels et de la réflexion analytique.
La dernière manifestation dont il a été question ci-dessus est un vrai cas d’espèce car, pendant que des universitaires et des intellectuels de grande expérience étaient présents pour écouter les communications et participer aux débats, les communications présentées étaient d’une telle faiblesse et d’une telle légèreté qu’elles ont provoqué l’indignation et même la colère des premiers. C’est donc à se demander à qui la faute !
La responsabilité des organisateurs est ici la première impliquée. En effet, quand on prend en charge l’organisation de telles manifestations, il faut veiller à garantir un minimum requis de qualité, sans fermer la porte devant les jeunes ni les priver des occasions propices à se frotter aux compétences expérimentées et beaucoup mieux dotées en la matière étudiée. Pour ce faire, l’organisation devrait se doter d’une vraie commission ou d’un vrai conseil, se donnant la peine d’étudier les projets présentés avant leur validation ou leur refus. En plus de cela, les membres du conseil scientifique ou au moins certains d’entre eux devraient s’engager à présenter des communications à même de relever le niveau des pensées, des réflexions et des débats.
La seconde responsabilité est évidemment celle des participants qui sont appelés à prendre leur tâche avec l’application et le sérieux requis, ne recourant pas au plagiat et aux redites, cherchant plutôt à engager leur propre intelligence des questions et l’originalité dont ils se croiraient capables. S’ils sentent certaines limites ou s’ils sont confrontés à des difficultés et à des blocages handicapants, ils sont appelés à recourir à leurs « encadrants » administratifs, à des directeurs de recherche ou à des enseignants expérimentés pour leur demander conseil, surtout du point de vue méthodologique.
C’est d’ailleurs à ces derniers que revient la troisième responsabilité, car quand on est enseignant, surtout universitaire, on le reste pour toujours, indépendamment du statut administratif que l’on a ou qu’on n’a pas. Il paraît que dans certains pays développés, qui savent apprécier le savoir à sa juste valeur, quand un enseignant universitaire atteint le plus haut grade, celui de Professeur des universités, il est invité à le rester « à vie », quelle que soient la part et la manière de sa participation à la vie du secteur et à la promotion de la recherche scientifique.
En guise de couronnement de cette stratégie organisationnelle de qualité, la publication, sérieusement soumise à l’avis d’évaluateurs attitrés, donne la pérennité et le rayonnement attendus par les responsables d’un séminaire, un colloque ou un congrès pour la réalisation desquels de grands efforts ont été fournis et beaucoup d’argent dépensé.
D’aucuns pensent que ces conditions sont exclusivement requises pour les rencontres universitaires ou de recherche, mais ce ne nous semble pas être le cas si nous aspirons à l’excellence et aux performances internationalement compétitives. Ce doit être une vraie culture de l’organisation de l’événementiel culturel ou scientifique, une exigence inhérente à notre conscience de responsabilité et à notre engagement citoyen, en plus de l’incidence heureuse que cela peut avoir sur la qualité personnelle des gens impliqués dans ces types d’activités.
