Du statut des résidents africains en Tunisie

Par Mansour M’HENNI


La Tunisie est aujourd’hui face à ses problèmes et ses conflits internes, trop nombreux et trop éprouvants pour un pays qui se découvre en terrain miné après un débordement d’espoir attaché aux événements de 2011 et à leurs acteurs de la circonstance rapidement devenus des symboles.

Aujourd’hui la Tunisie conduit une bataille de mise en forme de sa structure et de son mouvement dans le cours des choses, ce dernier s’avérant inséparable de celui du monde et de ses politiques régionales et suprarégionales.
Parmi ces problèmes, on ne peut, ni humainement, ni stratégiquement, ignorer la question de la migration, surtout celle la prenant pour destination à partir des pays de l’Afrique subsaharienne. 
En effet, la Tunisie a depuis plusieurs années constitué une destination privilégiée des déplacements migratoires du sud du Sahara amenant trois catégories de visiteurs, les uns venus pour s’installer plus ou moins durablement, les autres y faisant escale pour traverser vers le nord de la Méditerranée.
Il s’agit donc d’étudiants intéressés par l’enseignement tunisien, le public autant que possible sinon le privé malgré ses aléas ; de « migrants économiques » en quête de meilleures conditions de vie grâce à un emploi ou même à des gestes charitables, enfin de ceux cherchant à échapper aux lieux de tension où nulle sécurité n’est garantie.
C’est la première catégorie qui prévalait avant 2011, de façon aussi organisée que possible ; ce sont les deux secondes qui dominent depuis 2011, provoquant sans doute des problèmes sociaux difficilement maîtrisables et par conséquent des comportements sécuritaires souvent dénigrés et condamnés pour ségrégation raciale. 
La situation n’a alors pas cessé de se compliquer ; on compterait même plus d’une dizaine de victimes, beaucoup de violence aussidont une partie est attribuée aux citoyens tunisiens délinquants, une autre aux migrants africains indisciplinés ou dépités, et une troisième dont on accuse la police en cours de ses missions de maintien de l’ordre et de la sécurité.
Il nous semble hasardeux d’inculper catégoriquement une partie plutôt qu’une autre tellement le problème est délicat et les responsabilités sont partagées.
N’empêche qu’une stratégie et une démarche de gestion de cette situation, efficaces et rationalisées, sont à mettre en place et à assurer avec la compréhension nécessaire, mais aussi avec la rigueur qui se doit.
Le gouvernement y joue nécessairement un rôle central de conduite, de coordination et de négociation. Mais également la société civile, surtout en termes culturels, conversationnels et de communication de proximité.
Quant aux agents de l’ordre, il leur revient, en cas d’obligation d’usage de la violence, de s’en justifier publiquement pour ne pas laisser courir certaines interprétations et accusations tendancieuses à même de compliquer davantage les rapports sociaux et les relations diplomatiques.
Toujours est-il que ces agents doivent veiller à toujours agirdans le cadre du droit et à ne pas dépasser les limites tolérables.Depuis un certain temps, en parlant de notre pays, des médias étrangers ne cessent d’évoquer un regain de racisme et de violence caractérisée à l’égard des populations minoritaires surtout celles de couleur.
Les associations et organisations humanitaires aussi, surtout que ces populations s’organisent de plus en plus, et de bon droit, dans des structures civiles pour la défense de leurs droits et de leur statut revendiqué, celui de citoyenneté en bonne et due forme.
Comment ne pas les écouter quand nous parlons d’un humanisme internationalement solidaire et d’une unité africaine ? Un être humain est normalement un citoyen à part entière là où il se trouve, indépendamment de sa nationalité, de sa couleur de la peau, de son ethnie, de sa religion, de sa langue et de son genre. Hors de telles considérations, tout discours reste manipulateur et toute pratique insuffisante, voire inadéquate.
Pour tout dire, en ce qui nous concerne directement et immédiatement, la Tunisie est au carrefour de voies civilisationnelles conduisant à des destinées variées, toutes la tiraillant soit vers un idéal démocratique, même relatif, soit vers une rechute dans l’arbitraire réactionnaire et vers la dictature renaissante héritée de siècles lointains et de nettement différentes des régimes autoritaires contre lesquels ladite « révolution de 2011 » serait venue se dresser.
Il reviendra certes à chacun d’épouser sa vision des choses et de lui choisir son langage, cependant, la réalité du terrain est à approcher avec beaucoup de clairvoyance et de réalisme pour y maintenir aussi fort que possible le caractère humain et l’attachement aux valeurs de justice et d’égalité entre toutes les personnes et toutes les catégories de personnes.