E. Fakhfakh à l’épreuve de l’entretien télévisé
Par Mansour M’henni
A la fin de l’interview du président du Gouvernement, retransmise en direct par deux télévisions, l’une publique et l’autre privée, et pour en apprécier l’impact immédiat, j’ai fait un rapide survol sur les commentaires de la toile et, comme prévu, ces derniers allaient du dénigrement, à la critique acerbe, à la déception, à la satisfaction nuancée, à la fascination jubilatoire.
Faut-il s’en attrister ou au contraire y voir un signe de bonne santé ? Peut-être les deux à la fois. En effet, la démarcation critique est un signe de liberté d’expression et celle-ci, nous dit-on, est le principal sinon « l’unique » acquis du changement qu’a connu la Tunisie en 2011. La « révolution », si vous voulez, à condition d’y mettre les significations, les valeurs et les objectifs qui répondent aux besoins et aux attentes de la société où elle s’est faite. Cependant, quand la critique se transforme en simple « critiquerie » systématique, il y a de quoi s’inquiéter pour la société où l’on vit, en tant qu’elle est un projet commun du vivre-ensemble et du destin partagé, au-delà de toutes les divergences et grâce, peut-être, à toutes les différences.
Comme d’habitude, donc, certaines critiques et critiqueries se sont concentrées sur la forme de l’entretien, jugé plus « conversationnel » que solennel comme « convenu pour le contexte » ! Pourtant, comme nous manquent ces entretiens franchement conversationnels, avec les mots et les phrases de tout le monde ! N’est-ce pas ce qui est toujours reproché au président de la République, Kaïs Saïed, ce « discours pédant, hautain et inintelligible » ? D’ailleurs E. Fakhfakh a déclaré opter définitivement pour ce modèle de communication. Qu’il ait eu cette fois la part belle du discours et de l’échange, c’est son droit. Aux professionnels des médias de savoir garder les rênes de leur produit. A moins que ce qui paraît relever de l’insuffisance professionnelle ne relève d’un accord tacite entre les parties impliquées, pour des raisons politiques ou autres, et ce serait dommage.
Quant au contenu, j’avoue ne m’être pas attendu à plus que ce qui a été dit et, ma foi, qui n’est pas très différent de ce qui est dit dans d’autres pays. Que nous sommes en guerre contre le fléau ? C’est évident ! Depuis longtemps, en temps de fléau (et Dieu seul sait combien l’humanité en a connu), les gens et les systèmes qui les géraient se considéraient comme en état de guerre et agissaient en conséquence. Apparemment, cette guerre va durer encore pour nous et il faut bien s’y préparer et s’y faire.
De fait donc, si rien de vraiment nouveau n’a été annoncé par le président du Gouvernement, c’est parce que l’évolution imprévisible de la pandémie oblige les responsables à naviguer à vue et surtout à essayer de planifier et de programmer, aussi logiquement que possible, dans cette incertitude même.
Reste qu’un autre leitmotiv est venu dans le propos d’E. Fakhfakh, à part que « nous sommes en guerre », c’est l’insistance, doublée d’un chaleureux remerciement de reconnaissance, sur la conscience citoyenne dont l’apport, dans cette guerre, est estimé par le président du Gouvernement à 70% de la réussite relative de la stratégie de lutte contre le fléau. Pensons-y aujourd’hui et laissons de côté nos divergences politico-politiciennes, pour n’avoir d’autre objectif que de sauver ce qui nous rassemble : notre destin partagé, dans un vivre-ensemble respectueux et solidaire qui a pour nom « Patrie ».
Cela dit, il ne s’agit pas aujourd’hui, pour moi comme pour nous tous, me semble-t-il, d’évaluer favorablement ou défavorablement E. Fakhfakh (ce sera fait à temps). Il s’agit surtout de nous dire : « Sauvons d’abord la barque et nous avec, après nous pourrons tergiverser et, au besoin, nous disputer ».
