Kateb Yacine au Maroc et le Maghreb encore, au bout des élans de la culture

Par Mansour M’henni

Le Maghreb est un rêve qui nous habite malgré la distance qui paraît nous en séparer.  

Dès que des rencontres se tiennent, en dehors de toute manipulation politique, les citoyens de cette région du monde se sentent en communauté et se retrouvent sur une plateforme civilisationnelle commune à fondements assez solides pour engager un bel avenir partagé. Une autre preuve en a été donnée récemment à Rabat, la capitale marocaine.

Le contexte est culturel, littéraire précisément, en l’occurrence la remise du Prix Littéraire International Kateb Yacine 2016 à Aïcha El Basri pour son roman de langue arabe, Hafidat Greta Garbo. Le Prix est organisé par le Forum International Kateb Yacine à Guelma ; il a été initié à l’occasion de la cinquième édition du forum. En 2014, il a été attribué au Tunisien Mansour M’henni pour son roman de langue française La Nuit des mille nuits ou Le Roi des pendus, avec un prix spécial attribué à l’Algérien Benamar Médiène pour son livre Kateb Yacine, le cœur entre les dents. En 2015, le prix n’a pas été attribué et en 2016, il a été décidé d’ouvrir le prix au roman de langue arabe et de langue française ainsi qu’à la poésie dans les deux langues. Cette dernière catégorie n’a pas été primée en 2016, mais le prix du roman de langue française a été attribué à Nassira Belloula, une algérienne vivant au Canada, pour son livre Terre des femmes, et le prix du roman de langue arabe à Aïcha El Basri. Le premier a été remis le 19 mai à Guelma à l’Université du 9 mai de Guelma en présence des autorités régionales et du président de l’Université ; le second prix a été remis le 27 mai à Rabat, dans la Grande salle de la Bibliothèque Nationale du Maroc, en présence du directeur général de la BNM,  du président du l’Union des écrivains marocains, de directeur de la Maison de la poésie à Rabat. Ont été invités à remettre le prix MM. Ali Abbassi, président du Forum Kateb Yacine et Mansour M’henni, président du conseil scientifique du forum depuis 2014 de par ses recherches et l’intérêt académique qu'il avait accordé à l’œuvre katébienne.

La cérémonie a été organisée dans le cadre des nombreuses activités de qualité, dans la BNM, et surtout les rencontres littéraires et artistiques animées par Pr. Sanae Ghouati de l’Université de Kénitra. C’était en marge d’un colloque de l’association marocaine de brachylogie (Brachylogia-Maroc) sur « L’aphorisme », où un hommage a été rendu à l’écrivain et aphoriste marocain Abdelmajid Ben Jelloun. Les deux invités, un Algérien et un Tunisien, ont remis à la lauréate marocaine le trophée du prix, le certificat et l’argent alloué à cette récompense. Ce fut un moment de grande conscience maghrébine et surtout d’une ferme conviction que, si le Maghreb doit un jour se réaliser comme un projet de société, il ne peut être que la consécration des actions de cette nature, dans les racines de la culture mais aussi dans ses plus beaux fruits, dans les compagnies du savoir, de l’intelligence et de la créativité, et surtout dans ce lien inaliénable de l’affectivité trans-maghrébine perçue comme un haut lieu de partage et de réciprocité.

Des sentiments chaleureux animaient les cœurs et laissait s’exprimer une volonté impossible à taire ni à faire taire. Aux propos d’Ali Abbassi soulignant l’attachement des Algériens au peuple frère du Maroc et à son pays, comme en témoigne le mouvement des premiers vers ce pays, des voix dans la salle n’hésitaient pas à crier ; « C’est réciproque » ! 

Si le politique doit donc jouer un rôle dans la construction du Maghreb, ce ne peut être en définitive que par un accompagnement de ces énergies des peuples des pays du Maghreb, du peuple maghrébin, et des Lumières et illuminations des penseurs et des créateurs de cette communauté animée d’une conscience unitaire profondément ancrée dans l’Histoire et dans les mémoires.