L'enjeu irakien
Pr. Khalifa Chater
La conquête, le 17 mai de Ramadi, la province stratégique d'al-Anbar, par Daeche,
constitue le pire revers subi par Bagdad, depuis la débâcle de juin 2014 et la chute de la grande ville de Mossoul, dans le nord. Ramadi, une ville d'environ un demi-million d'habitants est un centre de commandement majeur. La prise de Ramadi, après celle de Mossoul, permet à l'État islamique d'étendre son pouvoir sur les zones sunnites. D'autre part, elle relie les territoires irakien et syrien. Daeche a certes dû abandonner en mars, une ville importante, comme Tikrit, mais elle conserve, une ceinture de cités, Fallouja, Haditha, Qaimn outre la récente conquête de Ramadi, sur l'Euphrate, en direction de sa base syrienne. D'autre part, Mossoul, lui donne un nouvel accès vers la Syrie. Une guerre asymétrique, œuvre de kamikazes, appuie l'avancée de Daeche (état de lieues de Georges Malbrunot, Le Figaro, 20 mai 2015). La prise du verrou de Ramadi, à 100km de la capitale irakienne semble annoncer, à plus ou moins bref délai, la bataille de Bagdad. "Daeche à Bagdad et Damas ?" s'interroge le journal Le Figaro (éditorial, 20 mai 2015).
La coalition est mise en échec. Les frappes aériennes, ont certes retardé l'avancée des envahisseurs mais elle n'a pas réussi à assurer leur repli, sinon à contenir leur mouvement. L'armée irakienne s'est révélée plutôt faible. Les Kurdes, ont été de grands acteurs contre l'offensive de Daeche, en Irak. La milice chiite, soutenue par l'Iran, s'illustre dans les combats actuels. Ce qui suscite "une confessionalisation croissante de la guerre contre Daeche". Signe révélateur, l'opération anti-Daeche, dans la province d'al-Anbar, porte le nom symbolique "Labbeik y a Hussein", "Hussein, je réponds à tes ordres". Elle reprend l'appel à l'aide, en 680, par un imam, lors de la bataille de Kerbala, contre le califat sunnite de Damas (Georges Malbrunot, Le Figaro, 27 mai 2015).
Les Etats-Unis et l'Iran font face au même adversaire, mais leur opposition ne permet pas leur concertation. D'ailleurs l'Iran "dénonce l'inaction américaine en Irak". De nombreux analystes américains reconnaissent l'échec de la stratégie américaine: L'analyste américain Antony Cordesman affirmait récemment : "C'est un revers majeur, pour le gouvernement américain et les Etats-Unis". Les responsables américains font plutôt assumer l'échec à l'armée irakienne. Tout en qualifiant la perte de Ramadi de "revers", le Pentagone a affirmé le 18 mai, le lendemain de cette prise, que "la guerre antijihadiste continuerait à être faite "d'avancées et de reculs" (http://www.boursorama.com). De fait, la prise de Ramadi pose la question de la capacité des forces américaines et irakiennes. L'Iran semble jouer un rôle déterminant. Peut-on expliquer leurs hésitations par la stratégie qu'on leur attribue : " avoir des chiites forts, dans n Irak faible" ? (Georges Malbrunot, titre de l'article, Le Figaro, 27 mai 2015). Mais ne sous-estimons point leur énergique soutien, à la Force al-Qods, "leur bras armée", en Irak. Par contre, les pays du Golfe semblent absents de la scène publique. Quelle est leur position underground ?Comment pourrait-on rétablir la situation et assurer un renversement des rapports de forces ? Il faudrait, au préalable, réintégrer les sunnites, dans le processus politique où la domination chiite, les a exclus. C'est une condition nécessaire Sine Qua None, pour restaurer l'unité nationale et reconstruire l'armée. De ce point de vue, les frappes aériennes, privées d'un soutien terrestre, peuvent difficilement contenir Daeche. Fait plus important, l'invasion de l'Irak devrait susciter une action régionale et bien au-delà. Elle appréhende l'ensemble de la communauté internationale.
