La bataille de Mossoul


Pr. Khalifa Chater
En Irak, l'opération pour reprendre Mossoul a commencé lundi 17 octobre.
Le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, l'a annoncé dans la nuit de dimanche à lundi : "Le temps de la victoire est venu et les opérations pour libérer Mossoul ont commencé", a assuré le chef du gouvernement dans une allocution télévisée. S'adressant aux habitants de la région de Mossoul, il a lancé: "Je déclare aujourd'hui le début de ces opérations victorieuses pour vous libérer de la violence et du terrorisme de Daesh". Quelques heures plus tôt, l'armée irakienne avait largué par les airs des dizaines de milliers de tracts sur ce fief de Daesh pour donner des consignes de sécurité aux habitants en prévision d'une offensive. Mossoul est dernier bastion de l'organisation terroriste en Irak. Entre 3.000 et 9.000 combattants de Daesh y seraient retranchés. Avant la guerre, la population de Mossoul était estimée à environ deux millions. Il resterait aujourd'hui environ 1,5 million d'habitants, otages de Daech et leurs boucliers humains. Annoncée comme la plus grande bataille depuis l'invasion de l'Irak, depuis l'invasion du pays par les troupes américaines en 2003, elle était préparée activement depuis des mois, de concert avec la coalition dirigée par les États-Unis.
De très nombreux acteurs devaient être engagés, ce qui a rendu sa préparation compliquée. Elle nécessita un accord entre le gouvernement de Bagdad et les Kurdes. Le président de la région du Kurdistan, Massoud Barzani, avait estimé qu'une telle entente était un préalable nécessaire à l'engagement de ces forces pour reprendre la ville. Les Kurdes, qui dans cette offensive, mènent une lutte «nationale», veulent avoir des assurances de la part des Irakiens sur le gouvernorat de Ninive, dont dépend Mossoul. Soutenant l'armée irakienne, les combattants kurdes, les Peshmergas et des miliciens de confessions sunnite et chiite étaient engagés dans la bataille. Les forces armées bénéficiaient évidemment de l'appui de la coalition dirigée par les USA, qui devait multiplier ses frappes aériennes et même fournir des contingents.
Barack Obama a annoncé, fin septembre, l'envoi en Irak de 600 hommes supplémentaires, portant le contingent américain dans le pays à 5200 hommes. Annonce d'une participation active de la France, outre l'engagement du navire de guerre Charles de Gaulle et son escorte, quelque 150 militaires français sont arrivés il y a quelques semaines sur la base de Qayyarah-ouest, ainsi que quatre canons Caesar de 155 millimètres d'une portée maximale de 40 kilomètres. L'Iran soutenait évidemment l'intervention. Dans le cadre de son jeu de rôle, dans l'aire arabe, la Turquie souhaita s'engager dans la bataille. L'Irak rejeta cette offre. Ce qui suscita des tensions entre les deux pays. De nombreuses réunions de concertations ont eu lieu entre les acteurs engagés dans la bataille. Affirmation d'un général kurde, qui attendait d’attaquer un verrou stratégique près de Mossoul, résumant son emploi du temps : "Des réunions, des réunions, des réunions... et jusqu’à maintenant aucune date exacte. On attend que nos forces puissent se coordonner avec l’armée irakienne mais aussi les miliciens chiites. On a des problèmes les uns avec les autres, les miliciens veulent prendre le dessus, la coalition ne veut pas qu’ils y aillent et on ne sait toujours pas qui aura le dernier mot", déplorait-il.
Les forces irakiennes, prés de 50000, soldats irakiens, policiers et les combattants kurdes peshmergas, soutenus par les frappes aériennes de la coalition internationale avancent vers sur Mossoul : L'armée irakienne avancent vers le centre de la ville par le sud et par le nord, alors que les troupes kurdes peshmergas avancent par l'est. Les forces irakiennes se trouvent à deux kilomètres du centre de Mossoul et souhaitaient entreraient dans la ville, dans les semaines à venir. Les combats se poursuivent. Des milices chiites soutenues par l'Iran ont annoncé vendredi, 28 octobre, s'apprêter à lancer une offensive pour chasser l'Etat islamique (EI) de l'ouest de Mossoul dans le but de bloquer la retraite des djihadistes sunnites vers la Syrie. On craint cependant que leurs entrées en guerre ne suscitent l'inquiétude des sunnites. Les groupes de défense des droits de l'homme ont demandé à Bagdad de maintenir les milices chiites hors du champ de bataille.
La population de Mossoul est désormais l'otage de Daech: Les Nations unies ont annoncé que l'EI avait enlevé 8.000 familles autour de Mossoul pour les utiliser comme boucliers humains. L'Onu accuse aussi l'EI d'avoir assassiné près de la ville 232 personnes qui refusaient d'obéir. S'oriente-t-on vers une guerre d'usure. L'épreuve serait longue, puisqu'il s'agit d'une guerre asymétrique. Mais les forces de Daech auraient plutôt envisagé un repli vers la Syrie. Fait important la victoire de Mossoul devait être «assortie d’un accord entre sunnites, chiites et kurdes pour un gouvernement équitable qui respecte les trois composantes ethniques de l’Irak" (Richard Liscia, son blog, 17 octobre 2016). Les forces de Daech y sont encore retranchées, dans la ville. Ils y ont creusé des tunnels, et piégé la plupart des rues et des immeubles. D'autre part, Mossoul, - fut-elle la mère de toutes les batailles de l'Irak ! , ne permettrait guère, en l'absence d'un consensus général, de mettre à l'ordre du jour un dénouement politique de la guerre d’Irak, qui dure depuis treize ans.


