La Conscience de l’événement… six ans après !
Par Mansour M’henni
Il est sans doute important, à certaines commémorations, que chacun se livre à une descente interrogative et méditative au plus profond de sa conscience pour essayer de prendre par le bon bout les tenants et les aboutissants des choses et pour essayer de concevoir et d’édifier l’avenir sur une juste évaluation du passé.
L’entreprise est assurément immense, à chaque coup, mais mieux vaut s’en enrichir, ne serait-ce que pour une petite part, plutôt que de continuer dans le tâtonnement aveugle d’une chambre obscure aux murs pourris. Pour l’heure, je me contenterais, d’abord pour mon propre compte puis à tout bon entendeur, d’évoquer quelques indications qui tiendraient lieux de petits amers dans les ténèbres des interrogations actuelles.
De fait, ce qui me revient avec force aujourd’hui, c’est le souvenir de ces six ans qui ont succédé à l’important changement du 14 janvier 2011 en Tunisie. Pour moi comme pour d’autres, contrairement à ce que d’aucuns auraient pensé, ce jour-là a vite constitué une chance inespérée, comme celle d’un certain 7 novembre 1987 d’ailleurs dont nombreux ont aujourd’hui oublié ou nié l’effet immédiat, au-delà des déboires de la suite de son aventure. Une chance pour la Tunisie d’abord, mais une chance aussi pour les Tunisiens, tous les Tunisiens. Malheureusement, très vite, le cours des événements a tourné à la surenchère, et les intérêts privés, haine et cupidité comprises, ont pris le pas sur le rêve d’une saine reconstruction du commun logis.
Ce qui m’a frappé, dans le courant de cette nouvelle tournure des événements, c’est le brusque retournement de certaines gens, qui à un passé très proche dans lequel il était englouti jusqu’au cou, et qui à un passé plus lointain dont il croyait pouvoir se départir par la force de l’oubli. Sans trop m’attarder sur ces types d’acrobaties chez les « fonctionnaires », somme toutes compréhensives de par une certaine perception de l’exigence professionnelle, je ne saurais rester indifférent à l’attitude de certaines figures de marque de l’histoire politique en Tunisie, vite inscrites dans le vent chaud de la « nouvelle révolution » jusqu’à chercher de piteux arguments pour nier leur passé. Une émission de la télévision nationale nous a ainsi gratifiés du feuilleton de ces personnalités qui y paraissaient semblables à des personnages des actuels feuilletons turques, suscitant plus l’indignation qu’une quelconque fascination.
Inutile d’énumérer ces piteuses situations où les artisans des grands trafics politiques, du temps de Bourguiba et de Ben Ali, peinaient contre toute logique à se refaire une nouvelle virginité, nullement nécessaire d’ailleurs du point de vue de l’Histoire. Je me contenterais de rappeler ce que j’avais écrit à ce propos, en l’occurrence que de tous ceux-là, seul feu Habib Boularès avait eu une attitude digne et intègre, et à un degré moindre Béji Caïd Essebsi.
A un autre niveau, beaucoup plus modeste, je voudrais évoquer l’attitude de quelques amis qui ne s’étaient pas interdit certaines complicités impliquées et autres complaisances calculées avec l’ancien régime, en veillant à ne pas trop s’afficher. En 2011, ils m’ont dit en substance : « Nous croyons que vous avez les moyens de faire figure politique de premier ordre ; alors si tu fais une déclaration publique reconnaissant que tu avais ʺdéconnéʺ en travaillant avec l’ancien régime, nous sommes prêts à nous associer avec toi dans un mouvement qui servira notre pays… ». J’ai tout simplement répondu : « Vous, vous avez déconné peut-être et vous le savez vu les motivations profondes de vos timides implications passées ! Moi je n’ai pas déconné parce que j’ai tout fait dans le désir de servir mon pays à la façon que je croyais bonne et je l’ai toujours fait dans le sérieux, l’abnégation et l’honnêteté requis. »
La plupart de ces amis et collègues ont eu le temps et l’argument pour réviser leur attitude à chaud ; mais d’autres gens, parmi nos figures politiques de marque, viennent aujourd’hui nous faire des révélations « sensationnelles » nous donnant le sentiment de devoir bannir tous les politiciens quelles que soient les prétendues bonnes intentions qui les animeraient. Telle est cette bourde d’un ancien « renard politique » qui vient aujourd’hui nous parler de son implication dans une tentative d’empoisonnement de Bourguiba !!! C’est à vous donner le mépris de certaines personnes que vous croyiez devoir respecter !
Le plus curieux, c’est qu’à ma connaissance, aucune enquête judiciaire n’ait fait suite à une telle déclaration !
