La guerre de Syrie, la nouvelle donne
Pr. Khalifa Chater
La guerre de Syrie a été marquée par l'entrée en scène de l'aviation russe, à l'appui du gouvernement.
Ce qui a marqué une nette avancée des troupes loyales, aux dépens des forces de Daech, d'an-Nosra, filiale d'al-Kaïda et de toutes les composantes de la résistance. Elément nouveau, les forces anti-jihadistes, soutenues par les Etats-Unis en Irak et en Syrie ont avancé jeudi 26 mai, dans leurs offensives contre les groupes de Daech. Attaqués par les Forces démocratiques syriennes (FDS) au nord de Raqqa et les forces irakiennes à Fallouja et Mossoul, le groupe jihadiste est sur la défensive.
Les forces irakiennes resserrent l'étau autour de Fallouja, un bastion jihadiste à 50 km à l'ouest de Bagdad où quelque 50.000 civils sont pris au piège. Lancée lundi 23 mai, l'offensive a permis la reconquête d'une petite localité et les forces irakiennes progressent vers Fallouja, selon une source militaire. Mais la guerre risque d'être longue et meurtrière - Daech, prenant en otage les populations civiles. D'autre part, les populations sunnites éclipsées du pouvoir par le régime, prennent leurs distances.
Par ailleurs, les peshmergas kurdes ont engagé, le dimanche 29 mai, des combats pour libérer la ville de Mossoul, conquise par les djihadistes, en juin 2014. Ils ont déjà repris cinq villages, occupées par Daech. Leurs troupes sont actuellement à une vingtaine de Mossoul. Fait significatif, l'agence Reuters affirme que des militaires de la coalition, dirigée par les USA, ont été repérés à proximité de la ligne de front entre les peshmergas kurdes et les combattants djihadistes. Ce qui atteste une participation des troupes américaines, ou du moins un service de conseil, prés des champs de bataille.
En Syrie, les combats semblent se concentrer dans la province de Raqa (nord-est), dont le chef-lieu éponyme est considéré comme la capitale de facto du "califat" autoproclamé de Daech. Appuyés par les frappes de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, les combattants arabes et kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) mènent depuis mardi 24 mai, une offensive d'envergure, pour chasser les jihadistes du nord de cette province qu'ils contrôlent en majeure partie. Action concertée et non simple hasard, cet assaut avait été annoncé au lendemain du début de l'offensive d'envergure de l'autre côté de la frontière, en Irak, pour reprendre Fallouja. Les FDS ont affirmé dans un communiqué avoir "libéré cinq villages dont ceux de Fatsa, Namroudiya, Wasta". Ils bombardent les positions de Daech, près d'Aïn Issa tandis que la coalition mène des frappes. Au sol, des forces spéciales américaines sont présentes au côté des FDS, selon des commandants kurdes. "L'objectif final est la ville de Raqa", affirme toutefois à l'AFP Mutlu Civiroglu, un analyste basé à Washington. "Il est important d'assiéger la ville et de bloquer les mouvements de l'EI".
La promotion militaire des troupes kurdes posent certes problème : Raqa est une ville à population arabe, tandis que les FDS sont dominées par les Kurdes qui souhaitent l'intégrer dans le territoire qu'ils mettent à l'ordre du jour. L'alliance sur le terrain des combats des forces Kurdes et des soldats américains annoncerait l'intégration des acteurs de la sécession dans la stratégie du chao, à l'ordre du jour au Moyen-Orient. Le risque de formation d'un Etat Kurde suscite la colère d'Ankara et les inquiétudes de l'Irak, de la Syrie et de l'Iran.
Une photo de soldats des forces spéciales américaines arborant l'écusson des YPG kurdes, photographiés mercredi 25 mai par l'AFP dans la province de Raqa, suscita une vive réaction du gouvernement turc. Washington considère que les milices kurdes font partie des groupes armés les plus efficaces pour combattre l'EI au sol en Syrie. Pour Ankara, les YPG sont étroitement liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation jugée "terroriste" par la Turquie et qui est engagée depuis 1984 dans une rébellion meurtrière. Vive opposition du président Erdogan : "Le soutien que les USA donnent au PYD (aile politique des YPG), aux YPG, je le condamne, déclara-t-il, "Ceux qui sont nos amis, sont avec nous dans l'Otan (…) ne peuvent pas, ne doivent pas envoyer leurs soldats en Syrie avec l'insigne des YPG", a-t-il ajouté. Est-ce à dire, que la nouvelle politique américaine est l'objet d'une révision d'alliances ? S'agit-il plutôt d'une réaction au développement du statut de la Russie, au Moyen-Orient ?
