La guerre du Yémen


Pr. Khalifa Chater
Dans le contexte du printemps arabe, le président Ali Abdallah Saleh, a été contraint, en 2012, de démissionner, après 33 ans au pouvoir. Soucieux de contenir la contestation populaire,
le Conseil des pays du Golfe a fait valoir un compromis, donnant le pouvoir au vice-président Abd-Rabbou Mansour Hadi. Contestant le pouvoir de M. Hadi et dénonçant le projet de Constitution sur un Etat fédéral, la minorité chiite houthie a déferlé sur Sanaa, depuis septembre 2014. S'alliant avec le président déchu, Ali Abdallah Saleh, elle bénéficia du soutien de ses partisans. Echappant à leur siège, le président Hadi s'installa à Aden. L'intervention militaire saoudienne - une opération-surprise, précipitée selon certains, - devait repousser les Houthis chiites qui voulaient prendre Aden, le grand port du sud du pays où s'est réfugié le président yéménite Abd-Rabbou Mansour Hadi. Il s'agissait, en fait, de restaurer le pouvoir, que l'Arabie Saoudite considérait légitime et de mettre en échec les velléités des Houthies d'installer un régime chiite minoritaire.
Une coalition de dix pays menée par l'Arabie saoudite a lancé, à cet effet, une intervention militaire au Yémen dans la nuit de mercredi à jeudi (25-26 mars). Ryad a mobilisé 150.000 militaires et 100 avions de combat, tandis que les Emirats arabes unis ont engagé 30 avions de combat, Bahreïn et Koweït 15 appareils chacun et le Qatar 10, a indiqué la chaîne Al-Arabiya. Outre les pays du Golfe, voisins du Yémen, l'opération mobilisa d'autres pays alliés de l'Arabie saoudite dont l'Egypte, la Jordanie, le Soudan, le Pakistan et le Maroc. Le président turc a déclaré soutenir l'intervention. Il a dénoncé une volonté de "domination" iranienne dans la région. D'autre part, les Etats-Unis ont apporté leur soutien à l'intervention. Washington envisage de fournir du ravitaillement en vol et d'envoyer des avions radars pour aider la coalition, selon des responsables américains. Le Royaume Uni approuve l'opération.
L'opération a été déclenchée dans la nuit de mercredi à jeudi par des frappes saoudiennes sur différentes positions des Houthis, notamment à Sanaa et à Aden. Les raids ont permis de "détruire les défenses aériennes des rebelles houthis, la base aérienne Al-Daïlami attenante à l'aéroport de Sanaa, des batteries de missiles SAM et 4 avions de combat", selon un bilan cité par l'agence saoudienne SPA. Jeudi soir, de nouvelles frappes ont visé une base militaire près de Taëz, la troisième ville du pays, sur la route entre la capitale Sanaa et Aden, dans le sud, selon des sources officielles et des témoins. L'engagement militaire de la coalition a permis aux forces loyales au président Hadi de reprendre jeudi l'aéroport d'Aden, qui était passé sous le contrôle des forces anti-gouvernementales la veille.L'entrée en guerre des pays du Golfe, à l'exception d'Oman, avec le soutien de leurs alliés arabes, s'inscrivait dans la lutte entre l'Arabie et l'Iran, où le positionnement géopolitique est masqué par la bipolarité confessionnelle sunnite/chiite. L'Arabie ne peut admettre l'établissement d'une autorité pro-iranienne, dans son arrière-jardin. D'ailleurs, Téhéran, Bagdad et Hezb Allah se sont empressés de dénoncer "l'atteinte à la souveraineté yéménite". S'agit-il, après les affrontements en Syrie, d'une nouvelle guerre par procuration. Dans le cadre du système international actuel, qui fait valoir les guerres hybrides, la question yéménite opposerait également les USA et la Russie, dans ce nouveau champ de pseudo- guerre froide.
Le cas yéménite - qu'on se rappelle la guerre régionale qu'il avait suscité entre l'Arabie et l'Egypte - semble mettre à l'ordre du jour une guerre d'usure, avec nécessairement des interventions sur le terrain et des opérations asymétriques. L'augmentation du prix de pétrole prévisible peut servir la Russie et l'Iran et l'ensemble des pays producteurs du pétrole. La donne économique, aux dépens des victimes collatérales, ne devrait guère être négligée.



