La résolution 2334, l’Amérique, la Palestine et Israël
Par Mansour M’henni
Dans la foulée des débats, parfois controversés, ayant suivi l’assassinat de Mohamed Zouari à Sfax, en rapport à la cause palestinienne, le conseil de sécurité de l’ONU a adopté,
vendredi 23 décembre 2016 une résolution condamnant la colonisation israélienne et sommant surtout l’Etat hébreux de cesser la colonisation dans les Territoires palestiniens et à Jérusalem Est. Plusieurs Arabes s’en sont réjouis, à juste titre ; même si certains de ceux qui font de la cause palestinienne leur pain quotidien n’ont pas manifesté un grand enthousiasme.
En tout cas, la décision peut ne pas être capitale, d’un certain point de vue (puisque Israël s’est empressé de dire qu’il ne s’y soumettrait pas), elle n’en est pas moins historique. En effet, c’est la première fois que les USA n’opposent pas leur veto dans un vote défavorable à Israël, vote unanime si besoin de le rappeler, à part l’abstention américaine qui vaut autant qu’un vote favorable à la résolution. Cependant, il serait important de s’interroger sur les tenants et les aboutissants de cette nouvelle position américaine.
On s’en souvient, le texte de la résolution avait été présenté par l’Egypte de Sissi et le vote devait se faire le jeudi 22. Sauf que la machine israélienne, déstabilisée par la procédure, a tout fait pour arrêter le processus. Le dernier recours fut Donald Trump qui, ne réussissant pas à intervenir auprès de l’ONU, téléphona à A. Sissi qui répondit à sa doléance et réclama un report du vote. Cependant, contournant la nouvelle position du Caire, quatre pays – la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Sénégal et le Venezuela – ont demandé et obtenu que le vote ait lieu vendredi.
Si l’unanimité des membres du Conseil de sécurité est une juste reconnaissance du droit palestinien et de l’injustice israélienne, du point de vue des valeurs d’humanité et de la légitimité internationale, l’abstention des USA est peut-être à inscrire dans un autre registre, américano-américain cette fois. Tout semble à mettre en effet dans le méli-mélo de la transition du pouvoir entre Obama et Trump. On sait les tensions qui y président et surtout le contentieux moral légué par une campagne électorale on ne peut plus machiavélique. On sait aussi les démarches qui ont été entreprises pour bloquer la reconnaissance du président élu et qui ont avorté.
Tout cela, c’est l’Amérique : elle a ses raisons, souvent à contre-courant de la raison du monde ! Et c’est peut-être pour cela qu’elle s’érige en policier du monde ! Mais cette fois, il semble y avoir « dans ce non véto » quelque chose de plus que l’image classique. En tout cas l’interprétation laisse percevoir deux motivations de l’abstention américaine dans le vote de la résolution 2334 : la première s’inscrirait dans un coup de dépit, voire d’animosité, à l’égard du nouveau locataire de la Maison Blanche, dont les Démocrates avaient peut-être vendu la peau avant de l’avoir tué. Quant à la deuxième, ce serait une tentative, pour Obama, de racheter son mandat en colorant sa sortie par quelque chose de l’esprit qui avait marqué ses débuts à la présidence. Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’il y ait des deux à la fois. Qu’y aurait-il de mieux pour les Démocrates sortants que de contrer Trump et de contrer sa volonté de puissance débordante, en même temps que redorer le blason d’Obama pour l’habiliter à un nouveau statut ? Toutefois cette approche reste mitigée puisque nombreux sont ceux qui pensent que l’élection même de Trump est un coup de revers aux deux mandats d’Obama dont le bilan est « contrasté et contesté », notamment avec toutes les promesses non tenues.
Dans tous les cas et quelles que soient les dessous de ces jeux de pouvoir, le monde en aura tiré quelque chose, cette ultime résolution qui constituera un vrai précédent dans le rôle des USA au sein des Nations Unies. Pourvu que le monde puisse y gagner en humanisme. En attendant, ce n’est pas la résolution 2334 qui libèrerait la Palestine et qui empêcherait Israël de continuer son entêtement et sa politique de colonisation ; mais cette résolution a ouvert une brèche par laquelle le militantisme palestinien pourrait s’infiltrer pour réaliser de plus importantes victoires.
