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Chronique02/04/2016 à 11:47

Le 40ème jour de la mort de Néjib Ayed, au-delà de la rhétorique de circonstance

Le 40ème jour de la mort de Néjib Ayed, au-delà de la rhétorique de circonstance

Par Mansour M’henni 

Une rencontre a été organisée, vendredi 1er avril 2016 à Tunis, par le Centre National d'Innovation Pédagogique et de Recherches en Education (CNIPRE), pour le quarantième jour de la mort du fondateur de ce centre, feu Néjib Ayed, et en hommage à sa mémoire. 

L’initiative est méritoire et dénote les qualités éthiques de ses réalisateurs, à leur tête le ministre de l’Education, M. Néji Jelloul, qui a tenu à marquer physiquement sa présence, le temps qu’il a pu se libérer.

La majorité des présents était de la famille de l’éducation. Mais la présence des universitaires était nettement minoritaire : Moncef Ben Abdejlil, Khaled Miled, Mohamed Zalfani, Mohamed Mahjoub et Mansour M’henni, dans l’ordre de leur prise de parole, un ordre qui a été qualifié de « glissant », « dans l’esprit néjibien qui était souvent peu à l’aise avec les formalités trop contraignantes ».

Neuf témoignages ont défilé, sans compter celui du ministre, au cours d’une séance ponctuée et modérée par M. Omrane Boukhari, un ami et ancien collègue du défunt, ancien haut cadre du ministère de l’éducation. Certains témoignages ont été marqués par une rhétorique travaillée et bien habillée du style du genre ; d’autres, au contraire, ont voulu rester dans  le style décontracté et peu fardé, soulignant rigoureusement certains détails représentatifs à la fois de la juste valeur du défunt et de ce que le devoir de mémoire nous imposerait à son égard. A la fin, après un mot très éloquent par sa brièveté, prononcé pour la famille par le frère du défunt M. Faïez Ayed, le Directeur du CRIPRE et le président de la Mutuelle des enseignants de l’Education ont réitéré leur prédisposition à organiser des rencontres de cette nature pour rendre hommage « aux compétences de notre pays, les vivants comme les disparus ».

Au-delà de ce compte rendu descriptif, on peut s’arrêter sur trois points importants de la rencontre que j’intitulerais : l’homme, l’œuvre, la mémoire et que je présenterais brièvement en deux temps tellement les deux derniers points sont indissociables.

Un homme incapable de nuisance

Tous les intervenants ont relevé les qualités humaines de Néjib, qui étaient bien supérieures à toute formulation. Un homme aimant la vie, même dans la plus profonde douleur et dans la plus éprouvante déception, à tel point qu’on serait légitimé de dire que c’est son amour de la vie qui a fini par le tuer. Et cet amour de la vie était indissociable de son amour des hommes, ses semblables, ses frères dans les aléas de la vie, les avatars des circonstances et les diversités caractéristiques de la nature humaine. Un homme qui ne savait pas haïr et qui répondait à l’ennui par la blague et à l’absurdité par l’humour. « Tu prévois une soirée de deux heures avec lui et la succession de ses blagues te conduit jusqu’à l’aube ! » a-t-on fait remarquer.

Mais aussi et surtout, dans le même état d’esprit peut-être, un homme d’un dévouement exemplaire pour les causes communes qu’il porte en lui comme autant d’engagements inaliénables et de projets mobilisateurs. Khalid Miled, son compagnon de route depuis le département d’arabe à Kairouan, en a parlé comme d’un vrai Bourguiba, pensant la société comme un projet d’éducation, se donnant totalement à ce projet et sortant de la vie sans rien posséder des biens matériels pour lesquels se tueraient les hommes.

Et dans la même cohérence de cette vision de la vie en société, à tous les niveaux des responsabilités qu’il avait assumées, Néjib Ayed était un modèle avant-gardiste de la gestion de proximité à tel point qu’il était, comme enseignant, baptisé « le doyen des étudiants », et comme doyen administratif, dans le même esprit dialogique avec les partenaires sociaux ou pédagogiques. Il était dans la modestie d’auto-soumission à l’esprit de conversation, dans l’humilité de l’échange constructif et dans la conviction du travail collectif. Ainsi en ont parlé Mohamed Mahjoub et Mansour M’henni.

 Néjib Ayed, et la mémoire d’un fondateur

Comme bon nombre de ses congénères, Néjib Ayed était aussi un fondateur. Il était de cette génération qui se reconnaissait de l’école moderne telle que portée en projet par Bourguiba, même en s’opposant à Bourguiba sur certains points et sur certains traits de la gestion des choses de l’Etat. C’est pourquoi N. Ayed n’a vraiment pas eu d’autre projet plus central, plus essentiel, plus déterminant que l’école, à tous les niveaux où elle était concevable. De là sa fondation du CRIPRE, et de l’Observatoire de l’éducation à L’Alecso.

Lui, l’homme d’une immense culture et d’une intelligence analytique et prospective comme il y en aurait peu, de l’avis de tous les témoins, n’a pas accepté de se libérer quelques mois pour une habilitation universitaire dont il était largement digne, tellement son projet de l’école de demain lui prenait tout son temps et toute son énergie.

Néjib le fondateur est à retrouver à ce niveau de la participation créatrice. Il a fait le choix, lui le premier classé du concours des assistants du Supérieur en 1985, de se faire nommer à Kairouan où une jeune faculté ouvrait ses portes. Il y a fondé le département d’arabe avant qu’il ne soit chargé de fonder la Faculté des Lettres de Sousse, en août 1989. Elle était conçue comme un projet n’ayant aucun lien avec l’Ecole Normale Supérieure de Sousse, du fait même que pédagogiquement, juridiquement et institutionnellement, c’étaient deux configurations différentes, et non rivales, de l’enseignement supérieur. Malheureusement, les collègues de l’Ecole avaient pris les choses autrement et le petit noyau des collaborateurs directs du doyen fondateur se sont trouvés attaqués de tous les feux par un petit groupe de leurs collègues influents de l’Ecole. L’incident a été rappelé pour souligner comment est injustifiable toute la stratégie ayant tendu à ôter à Néjib Ayed son statut de fondateur (ainsi qu’à tous ses premiers compagnons, d’ailleurs) et à la Faculté la juste mesure de son historicité. C’est pourquoi, au vu du témoignage même du Doyen actuel de cette faculté, il conviendrait de réviser la place, la dimension et la présentation du portait du doyen fondateur Néjib Ayed dans la suite des portraits accrochés au mur de droite (en entrant) de la salle des soutenances. Ce qui ne diminue en rien le mérite des autres doyens, ni même celui des trois anciens directeurs de l’Ecole Normale dont les portraits devraient logiquement se trouver dans les locaux de l’Ecole Normale Supérieure, à Tunis, ou elle a été de nouveau centralisée après sa répartition en deux sections, une à Sousse (Humanités) et l’autre à Bizerte (Sciences). Par amitié, par respect et par fidélité, leurs portraits resteraient bien dans la salle, mais avec une autre présentation ; mais nullement au détriment d’une autre fidélité essentielle : celle de l’écriture de l’Histoire des établissements. Voilà bien une action pouvant rendre justice à la mémoire de Néjib Ayed, ne dépendant que de la bonne volonté de ses collègues et de leur administration, d’autant plus que l’esprit de rivalité né, de façon peu justifiée, au début des années 90, n’aurait plus de défenseurs fanatiques d’enjeux inconséquents et anachroniques.

Selon la même logique, il a paru que la proposition faite par m. le Doyen de Sousse au ministère de l’Education de faire quelque chose pour une compensation du « gain manqué » par Néjib sur sa carrière universitaire au profit du projet de l’Education, serait une proposition biaisée. En effet, elle semble chercher à décharger l’Enseignement supérieur et d’abord la Facultés des Lettres de Sousse et l’Université de Sousse d’une responsabilité qui leur incombe, pour en charger le ministère de l’Education. Celui-ci a d’ailleurs répondu favorablement, par son ministre en personne, à toutes les propositions qui lui seraient avancées à ce propos. Mais la proposition de M. le Doyen de la Faculté, laissée dans le vague, peut être clairement formulée et facilement concrétisée par une démarche parascientifique, ou honorifiquement scientifique, de proposition d’un titre d’Honoris causa attribué par l’Université de Sousse au Doyen fondateur de sa Faculté des Lettres et Sciences Humaines. A l’occasion un regroupement des travaux de Néjib Ayed et de ses réflexions modernistes en civilisation seraient publié et des Mélanges à la mémoire de Néjib Ayed seraient élaborés.

Quant à l’attribution d’une salle du CRIPRE ou d’une école, comme cela a été suggéré par certains présents, le ministre s’est dit prêt à le faire immédiatement tout en reconnaissant que cela serait insuffisant pour rendre vraiment à César ce qui est à César.

« Rendre vraiment à César ce qui est à César » ! Voilà l’éthique qui doit prévaloir à tous les niveaux, surtout à celui des intellectuels, des éducateurs et des hommes et femmes de la culture qui, dans le même esprit de Néjib Ayed et avec sa volonté inaliénable, se situent plus hauts que les futilités et engagent sincèrement le nouveau projet de développement de la Tunisie sur les acquis du passé, les ambitions du futur et les rêves de l’idéal.

Economique Jawhara FM

jmc
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