Le folklore politique et sa danse du ventre par Mansour M’henni
Le folklore politique est de plus en plus la caractéristique fondamentale du paysage politique en Tunisie. Il nous a étonnés d’abord, nous a scandalisés ensuite et tend à nous laisser indifférents désormais, sauf quand il devient un objet de raillerie chez les chroniqueurs parodiques, les caricaturistes et les marionnettistes.
Le folklore de la troïka est devenu classique, rébarbatif jusqu’à la lisière du tragique : la danse des attitudes et des positions joue de sa danse du ventre, mais elle ne fascine ni n’enchante. On y sent comme une arrogance qui agresse et un irrespect qui insulte. A force de voir des gens si obstinés dans de telles impudences, on se demande si c’est vraiment de l’ignorance ou de l’inexpérience. On ne peut songer qu’à l’offensive et à la manigance.
Là, on n’y peut rien : il faut assumer ses propres choix, et à ceux que l’on entend dire déjà que la démocratie a des revers qui sont plus nocifs que certaines dictatures, il conviendrait de répondre que c’est là une lapalissade car la démocratie est tout simplement à rationaliser, c’est pourquoi il faut éviter d’en faire trop profiter les irrationnels, les inconscients et les fous.
Mais le folklore de l’opposition n’est pas moins blessant, ni moins révoltant parfois.
On nous dit que les partisans de Nidaa Tounès ont fini une réunion dans la dispute presque à violence caractérisée. A première vue, tout le monde répondrait que c’est chose normale dans les partis qui se veulent démocratiques : on diverge en interne et on est discipliné à l’externe. Ennahdha ne dit-il pas la même chose, et avant eux tous, le PSD et son enfant légitime le RCD ? Tant mieux donc si ce fonctionnement s’avère productif, mais la réalité des choses pousse à en douter.
D’aucuns disent alors que tout s’inscrit dans une logique électoraliste à un moment où la Tunisie a besoin de consensus et de regroupement autour de l’intérêt national. Et voilà, on y est : l’équation quasi-impossible. Paul Ricoeur employait l’expression dans un autre contexte, qui peut d’ailleurs nous concerner ici et maintenant : « Un bon responsable, dit-il, c’est celui qui réussit l’équation quasi-impossible entre le hiérarchique et le convivial ». J’avais toujours cette citation dans mon bureau, je ne sais aujourd’hui si j’ai pu être à sa hauteur ; mais à voir certains responsables qui m’entourent, je me dis : vivement le bon vieux temps de l’administration !
Allons ! Assez de nombrilisme, nos responsables politiques en ont pour tous, et regardons notre folklore politique qui maintenant se colore des feux du jet et autres musiques dans le vent ! « C’est la com, mon cher ! Et c’est ça la République ! » Oui, hier la république du poster à la mode Ben Ali, et maintenant un tube du parti pour rappeler l’esprit black hippy. Sinon, comment devenir le principal pôle à restaurer la bipolarité inévitable avec Ennahdha ? Peut-être faut-il rappeler à certains cette petite remarque : Celui qui rate une entrée triomphale en contexte favorable doit se lever vraiment tôt pour reprendre les devants de la scène. Entretemps, il ne fera que meubler, sur le souvenir du passé. C’est d’ailleurs une vérité qui vaut pour plusieurs acteurs de la scène actuelle.
D’autres commentateurs évoquent le folklore du député qui a crié au scandale, en pleine enceinte, pour condamner les faveurs financières que ses collègues s’acharnent à voter à leur profit personnel, en pleine crise économique du pays et en plein délabrement de la situation sociale. Populisme ? Peut-être ! Electoralisme ? Sans doute aussi ! Mais cela paraît de bonne guerre et, au moins, assez intelligent et assez convaincant.
Allons, assez vu, assez entendu, pour le capital de patience d’aujourd’hui. Quand on aura repris certaines forces, il faudra peut-être aller regarder la danse des médias.
