L’Enseignement à tirer des présidentielles autrichiennes

Par Mansour M’henni

Il y a incontestablement une dimension austro-autrichienne des dernières élections présidentielles en Autriche, 

qui ont finalement abouti, dimanche 22 mai 2016, à la victoire, de justesse (avec 50,3 % des voix), du candidat des Verts, contre le candidat de l’extrême droite, Alexander Van der Bellen qui, la veille même des élections prévoyait de l’emporter sur son adversaire du second tour au moins au score de 52% du scrutin.

Ces questions de politique interne du pays ne constituent pas l’objet du présent propos. Il importe cependant de souligner, en première instance, la montée déroutante en Europe, contre toute raison de démocratie humaniste, des partis d’extrême droite dans des élections déterminantes, de façon invitant à repenser l’évolution de ces sociétés en rapport à l’avenir qui s’y esquisse en matière de gestion des différences et de philosophie du vivre-ensemble.

Que cela se passe dans des pays comme la France et l’Angleterre, par exemple, ne peut laisser indifférent quant à la propension actuelle des foyers de la démocratie classique à régénérer l’extrémisme et à lui fournir les conditions de se propager et de prétendre au pouvoir par le fait même de cette démocratie dont le principe de base devrait être la résistance à tout extrémisme et à la logique d’exclusion.

Dans les pays en voie de développer leur transition démocratique, constituant ainsi une vraie menace pour l’extrémisme, ce dernier trouverait son expression privilégiée dans le terrorisme. Comment donc justifier la montée de l’extrême droite dans les démocraties classiques de l’Occident ? Pour certains commentateurs, les deux phénomènes sont liés : l’extrémisme du Sud serait une des principales raisons de la montée de l’extrémisme du Nord, à preuve que ce dernier est étroitement lié à l’émigration massive venant de pays frappés par la guerre et le terrorisme, comme la Syrie. Ne voit-on pas le FPÖ de Norbert Hofer axer sa campagne contre «l’immigration incontrôlée» et «l’islamisation de la société autrichienne» ? N’a-t-on pas là un retour d’écho de l’idéologie des Le Pen ? Pour d’autres avis, l’extrême droite puise sa force croissante dans les déceptions cumulées chez les citoyens quant à l’impuissance flagrante de la droite et de la gauche, dites démocratiques, à trouver des solutions aux vrais problèmes des citoyens. Le fait est que, dans ces démocraties classiques, on n’élit plus le meilleur, on se contente de choisir le moindre mal, sinon parfois, par dépit, on choisit le mal en personne.

Tout cela pousse surtout à repenser la démocratie, celle de la loi de la majorité. C’est en cela que l’exemple des dernières présidentielles autrichiennes est édifiant. En effet, que s’est-il passé pour le candidat de l’extrême droite après la dernière estimation de sa victoire supposée, à 52 % des voix ? Il restait tout simplement à compter les voix par correspondance qui représentaient 14 % des voix et qui constitueraient une catégorie sociale d’électeurs traditionnellement défavorables à l’extrême droite en Autriche. C’est donc une certaine forme de minorité qui, en définitive, a tranché la question de la démocratie de la majorité. Et de plus en plus, le scrutin démocratique laisse paraître cette conclusion !

De fait donc, comment parler de démocratie quand celle-ci se décide à 0,3 % ? N’y a-t-il pas dans ces conclusions l’idée que la démocratie devrait aussi se concevoir comme une politique des minorités ? L’intelligence humaine des Temps Modernes n’a-t-elle donc pas pris cette forme de démocratie de majorité, même très faible, comme une solution de facilité ?

Force est de conclure que le vivre-ensemble des sociétés modernes exigerait un renouveau de la façon de penser la démocratie, peut-être bien dans le sens de l’esprit conversationnel, à condition de sortir ce dernier du ghetto idéaliste dans lequel on l’enserre pour mieux l’étouffer et pour continuer de jouer à l’escrime d’une démocratie de la lance et l’épée.

Mais cela seul est un grand débat, un autre débat peut-être, qui serait, à sa façon, une vraie révolution.