Peut-on construire un monde avec un vieux Ménard ?
Par Mansour M’henni
C’est toujours mon fameux compagnon et mon partenaire de conversation qui m’inspire certaines interrogations et autres réflexions, parfois juste par une phrase lapidaire ou un commentaire anodin comme celui qu’il m’a sorti dernièrement : « Peut-on se faire un monde avec ce c..-ménard ? ».
Il est bien veinard, mon ami, de pouvoir disposer de tous ses mots ; ce n’est pas mon cas ici, car l’éthique humaniste et la déontologie professionnelle me retiennent de faire de même. Heureusement que depuis le fameux « P... » respectueux de Sartre, il y a un moyen intelligent d’éviter l’expression tout en maintenant sa signification.
La question de mon ami est une réaction à un statut du maire de Béziers, sur la page facebook de la ville, s'indignant « que la messe de Noël à l'Eglise de La Devèze, à Béziers, se soit tenue sous la "prétendue protection d'un groupe de musulmans" ». En effet, cet ancien « roulard » des droits de l’homme et de la liberté d’expression, du nom de l’association qu’il avait créée apparemment pour d’autres motivations, Reporters sans frontières, en fait ce nouveau roublard du Front radical où il a échoué n’a pas hésité à traiter ses concitoyens, des électeurs de la ville, de « pyromanes », dans un fâcheux cafouillage, tout adapté à son esprit, entre Musulmans et terroristes ou incendiaires.
Les terroristes sont de toutes les religions et de toutes les régions, à des proportions variées selon les contextes et selon les conjonctures. L’intelligence nous dicterait peut-être de « raisonner des effets et des causes », comme dit Voltaire, un vrai Français, au lieu de se rabattre sur la politique raciste et la franche invitation à la haine, toutes deux au fondement même de l’incitation au terrorisme. Si les Musulmans de Béziers étaient des pyromanes, cela ferait longtemps que le maire de la ville non seulement ne serait plus maire, mais ne pourrait même plus porter sa Robe de Ménard. Mais ces habitants de la ville ont voulu faire un geste symbolique pour signifier qu’on peut être de confessions différentes et se protéger les uns les autres dans nos appartenances respectives. N’est-ce pas le même Voltaire qui aurait dit à l’abbé Le Riche : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. », cette phrase dont est née, pour le besoin de la démocratie, la citation apocryphe plus connue : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » ?
Malheureusement, les propos et l’attitude effrontés du « co-nard », de l’expression dépitée de mon ami, jouant au remplacement d’une syllabe par une autre, tendent à se répandre même chez certains prétendus intellectuels, qui se diraient de Gauche ou de François Bayrou, le « Roi de Pau », et qui, sous couvert du préfixe « co- » (devenant « con- » parfois) et son sens de l’association, de la participation, du regroupement, se dévoilent dans leur vrai fond(s) raciste et chauviniste devant l’épreuve du malheur surgissant soudain dans leur secteur !
Il faut reconnaître aussi que ce type de comportement n’est pas étrangers à certains de nos compatriotes qui s’étaient rompu l’échine à bosser et à gueuler dans le sillage ou les colonnes de Ménard et consorts, au nom des droits de l’homme et de la liberté d’expression et qui, rentrés au pays, en 2011, dotés de certains pouvoirs depuis, laissent paraître des canines scintillantes en signe de sourire hypocrite ou de rire plein de rancœur. On les dirait incapables de s’adapter à la chaleur rassembleuse du giron maternel de la patrie. Leurs idées seraient-elles ailleurs, d’un mystérieux ailleurs, pour d’autres intérêts ? Seraient-ils d’autres Ménard à leur manière ? Heureux qu’ils soient peu nombreux pour défigurer notre société et sa culture profonde !
Il est vrai qu’un autre dicton, qui n’est pas de mon ami cette fois, nous fait remarquer qu’il « faut de tout pour faire un monde », mais là, le tout devrait être entendu en termes de différences heureuses et fructueuses qui enrichissent le sens de l’échange et de la solidarité pour une haute idée de l’humanité. Sans quoi, ce n’est plus d’un monde que nous parlerions, effectivement, mais d’une multitude de hordes animales, chacune brûlant le pavé, le feu au derrière, pour satisfaire son propre instinct.
