Pour un juste retour du besoin de méditerranéité

Par Mansour M’henni 

 La visite en Italie du Président de la République a réactualisé, d’une façon ou d’une autre, non seulement le désir, mais surtout le besoin de méditerranéité. 

Cela est d’autant plus important qu’il a coïncidé avec la signature d'une convention de jumelage entre les ministres de la Culture tunisien et français, une convention financée par l'Union européenne, pour sa plus large part.

On le sait, si l’appartenance à la méditerranée est une notion aussi ancienne que la mare nostrum, et si la notion de regroupement géostratégique sur la base de cette appartenance a marqué la fin du XX° siècle, le concept de méditerranéité, dans sa portée civilisationnelle a été timidement développé par certains intellectuels et certaines associations, dans la démarcation nécessaire et avec les croisements souhaités par rapport au concept d’euro-méditerranéité qui a pris le dessus du fait de certains rapports de force. Cependant, la survenue d’un certain « printemps arabe », jamais éclos sur le terrain, a étouffé pour un temps la voix de la méditerranéité et c’est heureux qu’on y revienne aujourd’hui et, devrait-on, avec un sincère engagement.

Disons-le encore, dans la Méditerranée, la Tunisie est dans son élément le plus naturel et c’est de profonde histoire. Elle y a trouvé les voies les plus abouties de la coopération économique et des solutions, même fragiles et provisoires, à des situations sociales précaires. Mais au-delà, tous les fondements d’une pensée et d’une culture, non seulement méditerranéennes mais aussi de méditerranéité, sont évidentes et justifient notre inscription et notre engagement dans la logique de méditerranéité.

De ce  point de vue, d’importance est l’événement culturel des 9 et 10 février 2017, en l’occurrence d’un côté la signature d’une convention de jumelage culturel entre la Tunisie et la France, de l’autre la réunion des ministres de la culture des pays du bassin occidental de la méditerranée (Dialogue 5+5 culture). Faut-il rappeler que le Dialogue 5+5 est « le plus ancien cadre de rencontre entre pays du bassin méditerranéen » (il date de 990) et qu’il peut ainsi être considéré comme la cellule matricielle de tout projet de méditerranéité. D’ailleurs, il est et reste le cadre le plus propice aux rapports sereins et constructifs dans un bassin que des conflits de différentes natures chercheraient à maintenir dans une perturbation endémique. Peut-être par manque de culture de méditerranéité !

En effet, alors que l’ancienne formule de l’euro-méditerranéité ne faisait de la dimension culturelle qu’une formalité, la formule actuelle semble faire de la culture un pilier central de la méditerranéité, dans l’esprit même du programme initial du gouvernement d’union nationale. En partant d’une telle conviction, on peut espérer une résurrection du concept de méditerranéité avec des convictions de faisabilité grâce à l’idée maîtresse que « ce qu'il y a de plus fort et de plus beau en Méditerranée (est) sa culture » et qu’il y faut « une culture de qualité pour tous et sur tout le territoire », le territoire national de chaque pays et le territoire commun dans la conscience de méditerranéité.

Parler de culture de la méditerranéité, c’est en fait faire valoir les fondements même de la démocratie, tant la méditerranéité se base sur la modération, sur l’interaction, sur le respect des différences. Certes la réalité et l’Histoire même peut nous donner le sentiment contraire, mais à s’attarder à ce qui est fondamentalement culturel dans l’essence même de ce concept géopolitique, on retrouverait facilement les valeurs éthiques qui lui donneraient sa raison d’être et qui donneraient aux peuples des raisons d’y espérer un avenir meilleur.