Restons solidaires contre ceux qui ne veulent pas construire l’Afrique

Par Mansour Mhenni

Comme tous les Tunisiens, j’ai été frustré au terme du match des quarts de finale de la CAN,

quand j’ai dû subir dans l’âme et presque dans le corps la félonie effrontée d’un arbitre corrompu qui a mis à mal tout un peuple par une injustice moralement inadmissible, quelles que soient les justifications fragiles que pourrait alléguer l’instance dirigeante et organisatrice de la compétition africaine.

Cependant, dans cette profonde tristesse et ce violent dépit, j’ai été pris par une peur subite quant à ce qu’une telle situation pourrait engendre et des incidences fâcheuses qu’elle pourrait avoir sur les relations humaines entre les peuples, au-delà de toutes les contraintes politiques, diplomatiques, économiques et autres. La première phrase que j’ai eue à la bouche, en m’adressant à un ami, fut : « Est-ce ainsi qu’on pourra construire l’Afrique ? »

Je sais que les intellectuels, dont je crois faire partie, ne peuvent se départir de ce que d’aucuns appellent « leur naïveté » à croire que le sport pourrait constituer un vecteur de rapprochement entre les peuples. Ceux qui les dénigrent se disent plus réalistes, plus pragmatiques, plus pratiques… Disons les choses autrement : plus indifférents à l’éthique qui pourrait souder les êtres humains autour de valeurs inaliénables, indépendantes de toutes les fois, de toutes les idéologies, même si celles-ci aussi en portent l’âme et l’esprit, dans leurs discours au moins.

Eh, oui ! Le sport aussi, le sport surtout peut-être, de plus en plus, est entré dans la machine du pouvoir et de l’argent combinés, certains médias aidant, pour faire des valeurs une marchandise, des sentiments une monnaie et de l’intelligence une stratégie cynique. Il semble que Issa Hayatou soit une des concrétisations les plus éloquentes de la production de cette machine ; osons croire qu’il ne puisse finir que comme un sous-produit de l’humanité, au vu de toutes les irrégularités dont il est reconnu responsable ! Et je le dis dans tout le respect approprié à la circonstance.

Le pire dans la situation, c’est l’arrogance qui lui fait suite, consistant soit dans les gestes et les propos provocants de l’équipe victorieuse, de la manière qu’on sait et qu’elle sait tout autant, soit dans la même attitude, mais hypocrite cette fois, du président de la Fédération Africaine, provoquant le président de la Fédération Tunisienne et l’amenant sur le terrain de la réaction épidermique qui sera sans doute sanctionnée par l’instance continentale.

Quelle image donne-t-on de notre Afrique ? Quelle désolation !

« L’arbitrage maison, c’est souvent une habitude dans le football. Mais lors de la Coupe d’Afrique des Nations en Guinée Equatoriale, cela prend un tout autre sens et remet en doute la probité des arbitres africains. », écrit un site sportif. « La CAN de la honte ! », lit-on aussi. La frustration est au comble pour certains joueurs, comme Bilel Mohsni : «On est en Afrique, c’est à cause des matches comme ça, des choses comme ça que l’Afrique n’avancera jamais. Et c’est dommage, parce que nous, en tant que joueurs européens, on vient pour faire avancer notre pays et l’Afrique, pour montrer qu’il y a de bons joueurs qui peuvent rivaliser avec tous les joueurs du monde, mais ce qui vient de se passer ce soir, on ne peut rien faire du tout.»

Tout cela est horrible, au vrai sens du mot ; mais rien de cela ne justifie certains comportements racistes qui ont été relevés en Tunisie. Ce pays est, et restera, un   se détacher de sa terre-mère, la terre africaine, quoi qu’on fasse pour le pousser à croire qu’il n’en ferait pas partie. C’est d’ailleurs dans le cadre d’une stratégie maghrébine qu’il faudrait œuvrer au profit de l’africanité du Maghreb, tout autant que de tout autre pays africain.

D’un autre côté, ce n’est pas un match de football, quel qu’en soit l’enjeu, qui amènerait les Tunisiens à ternir leur image internationale d’un peuple de progrès et de modernité contre le fanatisme et la cupidité de certaines personnes, ou même des instances, rétrogrades et délibérément séparatistes.

Il est donc heureux de voir partout dans ce beau pays, qui a la beauté de la vie, des voix s’élever pour condamner tout racisme et toute atteinte à la dignité humaine. La campagne de sensibilisation doit continuer culturellement et socialement, politiquement aussi pour le peu que le politique peut faire dans ce cadre.

Une seule vérité devra animer notre vision des choses devant pareils désastres : « Restons solidaires contre ceux qui ne veulent pas construire l’Afrique ».