Sami Ben Ameur expose la quête d’une spiritualité de la Terre

Par Mansour M’henni

On ne présente plus Sami Ben Ameur, particulièrement dans le monde des arts plastiques, mais aussi dans celui des interactions de ce monde avec les champs de la culture, de la pensée et de la citoyenneté. Mais on ne peut pas s’arrêter devant sa dernière exposition (Tunis, Palais Khair-Eddine du 3 au 19 octobre 2025) sans un regard de complicité interrogative mêlée à une admiration certaine et à une pensée profonde.

« Terre spirituelle » ! Tel est le titre de cette exposition que l’artiste définit en ces termes : « Terre spirituelle n’est pas seulement une exposition, mais un voyage vers la mémoire et les racines. Couleurs et signes s’entrelacent aux blessures du présent, transformant la toile en témoignage et en espérance. Entre terre et esprit naît la question de l’homme, et s’ouvre un nouvel horizon de sens. » That is the question ! C’est bien de la question de l’homme qu’il s’agit, face au défi de la question de l’être ou ne pas être, de l’homme comme un microcosme dans sa vie intérieure figurant le modèle du cosmos, de l’univers entier dans toutes ses composantes imaginables. C’est en cela que l’exposition de S. Ben Ameur est en quelque sorte une autre descente aux enfers de l’affect et de l’intellect humains pour assumer le monde et le refaire autrement, en faire un monde meilleur grâce à l’art intelligent et à la sensibilité en conversation continue avec ce qui l’entoure, un monde où « les parfums, les couleurs et les sons se répondent », comme disait Baudelaire. Cette exposition nous semble verser pleinement dans le cours de la pensée de Saint-John Perse telle qu’exprimée à propos de la poésie dans son discours du Prix Nobel de littérature (1960) : « Et c’est d’une même étreinte, comme une seule grande strophe vivante, qu’elle [La poésie, pour nous comme pour S. Ben Ameur sans doute, l’art en général] embrasse au présent tout le passé et l’avenir, l’humain avec le surhumain, et tout l’espace planétaire avec l’espace universel ».

De fait, rien qu’à lire les titres des différents tableaux, on peut en tirer un vrai poème de la genèse de l’univers conduite du chaos originel vers l’idéal spirituel que l’homme est censé faire prévaloir comme un signe indicatif de son humanité.

Terre spirituelle

Le souffle de la Terre

Vibration céleste

Nébuleuse en gestation

Forêt des origines

Empreinte du baiser

Les lèvres de la Terre

Baiser cosmique

Chorégraphie céleste

Éclosion spirituelle

L’Arbre du Deuil

Gaza, terre en suspens

Mystique solaire

Les oiseaux de l’éternel amour

Spirale de l’être

Naissance de la Paix

Oui, l’exposition de Sami Ben Ameur se lit pour moi comme un poème en éternelle création et en infinie recréation, un poème qui se dessine lui-même comme un tableau de la genèse cosmique se mouvant dans un petit verre, un petit vers poétique baptisé d’un mot aux sens variés et au sens profond, le mot « Homme ».