Sara et son père, ce cœur de Ben Guerdane, le coeur de Tunisie


Par Mansour M’henni
Tout ce qu’on a dit de Ben Guerdane est de haute noblesse et de grande bravoure. Tout ce qu’on fera pour Ben Guerdane n’est que justice rendue et bonne leçon à tirer. A condition de tout faire sans l’arrogance et l’opportunisme de la politique politicienne qui n’est de nulle éthique ni d’aucun sentiment patriotique.
Pour peu que la traîtrise ait bougé avec l’intention de souiller la souveraineté tunisienne en s’attaquant à la bonne terre de Ben Guerdane, le sang vaillant des héros historiques, non seulement ceux de la région mais ceux de la patrie entière et de toute son Histoire, a battu aussi rouge que son drapeau et aussi fort que la volonté du sacrifice, donnant des cœurs aux armes et des ailes aux guerriers. Et Ben Guerdane comme un seul homme a repoussé le danger des traîtres. Des vies y sont restées, donnant cœur au sacrifice et donnant corps au patriotisme.
Chaque martyr de Ben Guerdane nous a laissé, à sa manière, un appel de conscience et une sagesse à retenir. Je voudrais cependant m’attarder un peu sur le cas de Sara, la fillette de 12 ans lâchement assassinée alors qu’elle n’avait pour sa défense ni l’arme qu’il fallait ni l’âge requis pour s’en servir. Elle n’avait que son innocence qui souligne encore plus l’absurdité de sa mort et la sauvagerie de ses tueurs. Elle n’avait que sa fraîcheur vitale qui ne comprenait pas que la religion puisse être une faucheuse arbitraire des vies des innocents. Son père raconta qu’elle pressentait de mourir martyre et elle le fût. Il est de certains anges qui ont des pouvoirs supérieurs dans leur fragilité inoffensive et Sara en faisait partie.
Mais, plus édifiant encore était le comportement de son père, car plus pensé, plus mesuré à l’aulne des circonstances et de leurs défis. Dans une humilité déroutante et une simplicité toute naturelle, invité sur l’un des plateaux les plus regardés à la télévision, le père a montré le vrai visage de la patience, comme seule réponse à la mort et seule couleur du deuil. Il est facile de lire, sur certains de ses traits et même au fond de son sourire, la douleur qui laboure son cœur. Cependant, il sembledonner la preuve éloquente que la douleur est personnelle et que c’est la trahir en l’exhibant.
Interrogé sur une éventuelle compensation, il s’est montré bien au-dessus de la question et des nombreuses situations antérieures, dans cette émission et dans plusieurs autres, où les gens venaient piétiner leur dignité pour quelques dinars de plus. Ils y étaient comme ces mendiants de tous les âges et de toutes les stratégies, dans les lieux publics ou dans les croisements de rues où les conducteurs sont obligés de marquer un arrêt de courte durée. C’est à peine s’ils n’agressaient pas physiquement les conducteurs ou les passagers ; c’est à peine s’ils ne provoquaient pas des accidents d’extrême gravité.
En effet, depuis 2011, plusieurs médias sont devenus les lieux privilégiés et les voies convoitées pour la mendicité vulgaire. Le sentiment de solidarité perdait alors sa dimension citoyenne où le donneur ni le receveur du don ne sont dévoilés, où le geste reste du fond de l’humanité de l’homme, étranger à la logique de la main supérieure et la main inférieure, la main du dessus et la main du dessous.
Interrogé sur une éventuelle compensation, le père de Sara se contenta de dire : « Ma patrie avant mon ventre, mon pays avant mes enfants ». Voilà bien une réponse après laquelle plus rien ne pourrait se dire ou s’écrire, une réponse qui ne peut qu’être entendue.



