Syrie: la réunion de Lausanne
Pr. Khalifa Chater
Les pourparlers sur la paix en Syrie ont repris, samedi 15 octobre, à Lausanne, en Suisse.
La réunion a été précédée d'un tête-à-tête entre le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, qui ne s'étaient pas revus depuis la remise en cause du cessez le feu, il y a trois semaines. La Russie et les USA, ont été rejointes par le Qatar, la Turquie, l'Arabie saoudite, favorables à la résistance, fut-elle radicale !, par l'Iran, allié à la Syrie, et l'Egypte, l'Irak et la Jordanie, favorables à la sauvegarde de l'Etat-nation et par conséquent, opposées au changement. L'USA a pris l'initiative de la réunion et a invité la Russie qui était devenue un interlocuteur incontournable. La participation des protagonistes (Iran, Turquie, Arabie Saoudite) et les acteurs moins engagés, mais concernés par la question devait permettre d'accepter, sinon de formuler un compromis. Fait d'évidences, les protagonistes, que certains considèrent comme simples relais, ne pouvaient que se soumettre à la volonté des deux grandes puissances.
Vu les rapports de forces sur le terrain et la démarcation, entre partisans d'une victoire militaire et ceux qui optent pour une solution politique, l'impasse diplomatique affaiblit les espoirs d'un accord. En effet, l'intervention russe, lancée le 20 septembre 2015, a changé la donne, en faveur du régime. Les USA sont à la veille des élections, donc en quasi vacance de pouvoir. L'Arabie semble préoccupée par la guerre du Yémen et de la baisse du prix de pétrole. La Turquie aurait révisé sa politique syrienne. Elle envoie désormais des "signaux d'apaisement" à Damas, qui a désapprouvée le coup d'Etat avortée du 15 juillet 2016. La règle du jeu lui recommande de ménager la Russie, après leur réconciliation récente. D'ailleurs la Turquie est préoccupée par la lutte contre le mouvement kurde, qui participe à la coalition, contre Daech, que les USA combattent. Moscou et Damas seraient “déterminées à mettre Alep Est, à genoux, avant la fin du mandat d'Obama”, affirme Ibrahim Al-Ali, conseiller politique de l'armée syrienne libre. Il s'agitait de mettre devant le fait accompli, le successeur d'Obama. Dans ce cas, “les options offertes à la nouvelle administration américaines, seront en grande partie dictées par le terrain” estime l'analyste Emile Hokayem, spécialiste de la Syrie, à l'institut, for stratégic Studies (enquête, " Assad, le maître du chao", Le Monde, 6 octobre 2016). Mais Moscou est sous pression de la communauté internationale pour mettre fin au pilonnage des quartiers insurgés d'Alep et permettre l'acheminement d'aide humanitaire à la population civile.
L'ordre du jour prévoyait des discussions principalement, sur la proposition formulée par l'émissaire de l'Onu, Staffan de Mistura, d'organiser l'évacuation des combattants djihadistes de l'ex-Front al Nosra pour rétablir le cessez-le-feu. Mikhaïl Bogdanov, vice-ministre des Affaires étrangères, a déclaré pour sa part qu'une relance d'un cessez-le-feu en Syrie serait discutée.
Point d'avancées concrètes, la réunion a pris fin, le jour même, dans un climat de pessimisme général. Pour la diplomatie russe, après cette rencontre, il faudra prolonger “les contacts au cours des prochains jours”. Par contre, la diplomatie américaine estime il y a eu “des idées nouvelles, des tensions, mais pas de rancœur à Lausanne”. Transgressant ces discours " politiquement correcte", nous pouvons dire que les assises de Lausanne n'ont pas réussi à faire valoir la solution politique sur l'option militaire, différant même la relance du cessez le feu, sinon la trêve.
