Tabboubi, nahdhaouis… pas nahdhaoui ?
Par Mansour M’henni
Une polémique s’est déclenchée, en marge du dernier congrès de l’UGTT, autour d’un soupçon d’appartenance de Noureddine Tabboubi au mouvement Ennahdha, au moins de connivence avec lui.
Les insinuations à ce propos ont commencé depuis la confirmation de sa candidature à la tête d’une liste consensuelle baptisée liste « de l’union nationale », et ont continué, de plus en plus clairement et en plus souligné jusqu’après son élection en tant que Secrétaire général de l’UGTT.
D’abord, pour ce qui concerne Tabboubi lui-même, j’avoue avoir eu, dans le cadre d’une responsabilité antérieure, à négocier avec lui, quand il était à la tête de l’Union régionale de Tunis, un accord syndical et n’avoir pas ressenti chez lui un quelconque indice d’islamisme. C’est vrai que cela était en 2010. C’est vrai aussi qu’il était d’un caractère dur et rigide, contrairement à Mouldi Jendoubi par exemple, et qu’il donnait d’emblée l’impression d’un dialogue impossible ; mais à la fin, ses collaborateurs locaux aidant, de par leur meilleure connaissance du terrain, la négociation a bien débouché sur un accord en avance sur son temps, comme ce fut le cas avec M. Jendoubi deux années auparavant.
Tout cela pour dire que les personnes sont de tempéraments variés et d’humeurs différenciées et que cela est dans la nature des choses. D’ailleurs, j’ai le sentiment que l’intransigeance de Tabboubi a dû jouer un peu contre lui au départ du choix du candidat au secrétariat général, ce qui justifierait la première rumeur portant la candidature de Bouali Mbarki à cette plus haute responsabilité syndicale. Quant à un quelconque engagement de Noureddine Tabboubi au profit d’Ennahdha, je n’en avais pas entendu parler avant le contexte du dernier congrès.
Au final, des dirigeants d’Ennahdha et d’autres de l’UGTT ont catégoriquement démenti toute accointance du nouveau secrétaire général avec le mouvement islamiste. D’ailleurs, on imagine mal Houcine Abassi, le maître d’œuvre de cette transition pour sa succession (les larmes du résultat du scrutin, pourtant tout attendu tel quel, sont éloquentes), se laisser aller dans une telle option par trop compromettante en ces temps encore incertains pour la Tunisie. Par contre, à chercher du côté d’une quelconque sympathie au moins avec la gauche presque « Frontpopuliste », l’éventualité n’est pas à exclure.
Toutefois, au-delà de cette polémique, peu utile me semble-t-il, qui peut affirmer catégoriquement que les responsables syndicaux n’ont pas d’appartenance politique ? A la limite, cela serait absurde et inhumain. Tout juste peut-on le cacher autant qu’on peut ! Et l’UGTT a toujours eu dans ses rangs, de militants ou de responsables, toutes les couleurs politiques qui prennent tour à tour plus ou moins d’influence, selon le contexte et selon les rapports de force.
Qu’est-ce qui sauve donc, à chaque fois, l’UGTT des dérapages politiques trop flagrants et très préjudiciables à l’heureuse évolution logique du pays ? Rien d’autre que la tradition démocratique qui y prévaut, même quand le besoin se fait sentir d’en faire juste un décor de circonstance.
Ainsi, Nahdaoui ou pas, Tabboubi ne sera pas un autocrate au sommet de l’UGTT, il ne pourra que porter la volonté, les décisions et les ambitions des siens, dans la juste et classique hiérarchie représentative de la grande organisation syndicale. Lui attribuer d’autres pouvoirs plus déterminants, c’est remettre en question toute l’histoire de la démocratie au sein de l’UGTT.
Quant à l’hégémonisme d’Ennahdha qui semble traumatiser plus d’un citoyen, ne devrait-on pas se demander d’abord ce que chacun fait efficacement, de façon collective ou même personnelle, pour réduire son effet et limiter son étendue ? Là réside la responsabilité citoyenne dans une Tunisie qui attend encore de faire sa vraie révolution démocratique dans les mentalités et la manière d’être de ses enfants.
