Tout n’est pas raté, tout reste à faire !
Par Mansour M’henni
Comment résister au fatalisme, au défaitisme et au désengagement par désintéressement, qui s’emparent de notre corps social ces derniers temps ?
La question devient plus cuisante quand ce sont nos intellectuels qui cherchent, à bon ou à mauvais escient, notre chute dans la léthargie, sous prétexte de désespoir et d’impuissance devant la situation lamentable à laquelle nous sommes arrivés, malgré force sacrifices et dévouements.
Je me demande d’abord si une telle attitude tient ou non compte du désir, délibéré et planifié, chez certains, de nous conduire vers cette apathie qui nargue et tend à absorber ceux qui succombent à ses coups. Si oui, comment admettre de se laisser prendre au piège des comploteurs contre notre modèle de société et accepter, par non-assistance à pays en danger, de leur faciliter les moyens d’atteindre leurs objectifs, alors que notre résistance et notre action peuvent contrer leurs manigances et démonter leurs stratagèmes nocifs ?
Je suis vraiment triste pour notre pays qui me paraît tout avoir pour tout réussir et qui me paraît rater, à chaque fois, l’occasion propice d’un élan salutaire, par défaut de cohérence et de concordance, chez ses citoyens les plus sincères, entre la pensée, la parole et l’action. Nous essayons souvent de tirer, précipitamment, des arguments de fierté de certaines actions spectaculaires ou de quelques résultats aléatoires, vite pris pour de brillants succès. Sans doute conviendrait-il de nous juger nous-mêmes, chacun en son for intérieur, en bonne âme et conscience, et de nous dire à nous-mêmes notre propre vérité, et de le faire, même et surtout, à l’aulne des petits événements et des détails de notre existence, dans leur impact macro-structurel et essentiel, autrement dit à l’aulne de la conscience des « effets divers des faits divers », selon l’expression de Claude Roy.
Ainsi, à propos de petites choses à grands effets, j’en citerais volontiers quelques-unes, avec l’espoir que personne ne se sente personnellement visé mais que tous, nous nous sentions concernés.
Que dire, par exemple, à un vrai convaincu, voire un militant pour la démocratie, qui élude votre invitation à parler en contexte public de cette question et à en converser surtout, sous prétexte que la situation où nous sommes pousse à souhaiter la prise en charge de notre destin par un « dictateur » ? En fait, tout pouvoir personnalisé court le risque de la dictature, l’Histoire nous l’a assez montré, mais ce qui est pire aujourd’hui, c’est de faire face à une autre forme de dictature dans un régime de séparation des pouvoirs !
Que dire aussi à des intellectuels et des « hommes de science » qui se désintéressent des initiatives innovantes ou mobilisatrices de leurs concitoyens, qui les dénigrent même, mais qui ne tarissent ni d’éloges complaisantes ni d’évocations de propagande pour de modestes initiatives parfois de moindre audace, de moins de courage et d’importance que celles des enfants de leur pays ?
Que dire surtout à votre médecin traitant qui, en pleine consultation pour un mal loin d’être incurable, vous jette à la figure que son rôle n’est pas de reculer l’échéance du décès mais de rendre le mal plus supportable ? Sauf le respect dû à sa foi, qui est la nôtre, autrement vue, que dirait-il de l’évolution de l’espérance de vie parallèlement au développement du secteur de la santé et au rythme des découvertes et des innovations humaines ? Pourquoi penserait-il que s’attacher à prolonger la vie serait contraire à la foi dans l’omniscience et l’omnipotence de Dieu ?
Il est donc temps de nous repenser, nous-mêmes, et de tout repenser autour de nous, si nous voulons cultiver une vision optimiste de la vie et une conception constructive de l’humanité, sans pour autant porter préjudice aux fondamentaux de chacun, en terme de croyance ou d’appartenance.
« Agis pour ta vie comme si tu étais éternel ! Agis pour ton Au-delà comme si tu mourais demain ! » Tout n’est pas raté, tout reste à faire.
