Turquie/Russie, une normalisation, après des mois de crises
Pr. Khalifa Chater
Renversement de situations, Poutine et Erdogan ont opté pour un rapprochement géostratégique, après des mois de crises, provoquées par la destruction d'un bombardier russe par l'armée turque.
Au cours d'une rencontre au sommet, à Saint Petersburg, le 9 août, les deux chefs d'Etat ont affirmé leur détermination à régler leurs différends et à ouvrir une ère de coopération. Le président russe a assuré que la rencontre, de Saint-Pétersbourg, avait été "constructive" et "franche": “Nous avons traversé une période très difficile dans nos relations et nous voudrions, et nous sentons que nos amis aussi le voudraient, la surmonter”, a estimé le président Poutine. Il a, par ailleurs, déclaré que ce rapprochement “n'était pas dicté uniquement par le “pragmatisme” mais par les “intérêts des peuples”. Il a, d'autre part, annoncé, au cours de la conférence de presse, qui couronna le sommet, sa volonté de “réanimer la coopération économique et commerciale”. Le président Erdogan qui avait annoncé se rendre en Russie pour "un départ à zéro" avec son homologue russe, a remercié de manière appuyée son "ami" Vladimir Poutine avec qui il partage désormais ses critiques véhémentes de Washington (Marina Korenova, 10 août 2016, agence France Presse).
Rappelons que les relations russo-turques s'étaient détériorées à la suite de l'affaire du bombardier russe abattu à la frontière turco-syrienne. Cependant, après des mois d'invectives, Moscou a accepté avec une rapidité inattendue les regrets exprimés par Ankara. Elle a déjà levé les sanctions dans le secteur touristique, crucial pour la Turquie très affectée par la désertion des Russes. Conséquence du sommet, la coopération sera accrue dans le domaine de la défense et un certain nombre de projets seront relancés : la centrale nucléaire d'Akkuyu qui doit être construite en Turquie par la Russie et le projet de gazoduc TurkStream qui doit permettre à la Turquie de recevoir davantage de gaz russe. “Si Dieu le veut, avec ces mesures, l'axe Moscou-Ankara sera à nouveau une ligne de confiance et d'amitié”, a déclaré Recep Tayyip Erdogan.
Comment expliquer cette normalisation, annonçant peut être une alliance, en dépit d'une démarcation géo-stratégigue évidente ? Ankara fait partie de l'Otan, censé surveiller la stratégie russe, vis-à-vis de l'occident. Ce positionnement turc s'expliquerait par la condamnation par la Russie, le soir même, du coup d'Etat du 15 juillet. Le président Poutine, a rappelé, lors de la conférence de presse du 9 août, que la Russie était “catégoriquement opposée à toute tentative d'agir de manière inconstitutionnelle”. Alors que les occidentaux ont critiqué "les purges", effectuées par Ankara, Moscou s'est abstenu de les critiquer, les appréhendant comme problèmes internes. D'ailleurs, Ankara critique le rejet effectif de l'Union Européenne de son adhésion et reproche aux USA, son refus d'extrader son ennemi, le prédicateur Fethullah Gülen. D'autre part, les intérêts économiques entre Moscou et Ankara, soutiennent les visions partagées des deux régimes.
