Un gouvernement condamné à réussir Par Boubaker Ben Fraj


Dans quelques jours, Mehdi Jomaa, le nouveau chef du gouvernement, désigné sans opposition notoire par les protagonistes du dialogue national, soumettra la formation de son gouvernement à l’approbation de l’assemblée constituante.
Une simple formalité dirais-je, puisque l’équipe qu’il présentera aura déjà obtenu l’agrément, ou du moins le non objection du Quartet et des principaux partis politiques impliqués dans ce dialogue.
D’ici-là, et conformément à la feuille de route, l’assemblée constituante aura fini d’adopter la version finale et de la nouvelle constitution, ainsi que les dispositions transitoires qui fixeront les règles de fonctionnement des institutions jusqu’aux prochaines élections, que L’ISIE déjà en place, se chargera de préparer et d’organiser.
Ainsi, les contours du paysage politique paraissent en ce début d’année 2014, beaucoup moins confus qu’au cours des deux années écoulées, qui ont vu le pays se laisser malmener par des confrontations politiques sans fin, sombrer dans une profonde crise économique et sociale, et subir dans le désarroi, le choc brutal de la violences et du terrorisme, auxquels il n’était ni habitué, ni préparé.
Politiquement donc, et malgré les nuages résiduels, le ciel parait en ce début d’année, bien plus clair que la veille. C’est en tout cas, ce que semble ressentir une large frange de Tunisiens, et c’est ce qui se dit de manière plutôt élogieuse dans les médias internationaux, et au sein des chancelleries étrangères devenues par trop attentives à ce qui se déroule à l’intérieur de nos murs.
Pour ces observateurs, le scénario Tunisien, comparé à ce qui se passe dans les autres pays touchés par le dit « Printemps arabe », semble être le meilleur, dans la mesure où il a eu le double mérite d’éviter au pays de s’enfoncer dans un large conflit armé, et de fonder du même coup les premiers jalons d’une démocratie, sans remettre en question les acquis historiques modernistes de la Tunisie. Ainsi, le futur gouvernement censé être constitué de compétences non partisanes, dispose à l’intérieur, d’un préjugé à dominante favorable, et à l’extérieur, d’un soutien clairement exprimé.
Néanmoins, Mehdi Jomaa et le gouvernement qu’il va diriger, même s’ils sont confortés par ce préjugé favorable, ne bénéficieront face aux grandes urgences qu’ils auront à affronter, d’aucun délai de grâce pour agir.
Certes, dans le court temps qui lui est accordé jusqu’aux prochaines élections - une année tout au plus - ce gouvernement ne pourra ni tout solutionner, ni tout arranger. Et d’ailleurs nul ne lui demandera de tout résoudre, tellement le legs laissé par le gouvernement précédent est lourd, les attentes non satisfaites immenses et les défis de toutes sortes auxquels il va être confronté énormes.
En politique, les Tunisiens sont plutôt réalistes et ne croient facilement pas un père Noël. Ce gouvernement ne parviendra donc pas à tout régler, et nul ne le lui reprochera.
Par contre, il sera immanquablement jugé, sur la pertinence de l’ordre de priorité qu’il va fixer pour son programme d’action, et plus que tout, sur sa manière de traiter les deux premières urgences auxquelles le pays fait aujourd’hui face :
La première, c’est la précarité de la situation sécuritaire, suite à l’implantation du jihadisme à l’intérieur de nos frontières. Ce jihadisme qui a trouvé hélas, au cours des trois dernières années, du temps, des appuis et des duplicités, voire, des complicités suffisantes pour se disséminer.
Incontestablement, Il vient de subir dernièrement des coups durs; mais le pays n’aura des chances sérieuses de s’en débarrasser, qu’en suscitant un fort élan salvateur, qui rassemblera avec la détermination que ce danger impose, et sans beaucoup de calculs politiciens, le gouvernement, l’armée nationale, les forces de sécurité et toutes les composantes politiques et civiles du pays.
Car, si le nouveau gouvernement n’est pas fortement appuyé par tous dans ce combat, il n’arrivera pas à endiguer le phénomène terroriste et ses morbides ramifications. Et dans ce cas, rien ni personne ne pourrait garantir le déroulement normal des échéances politiques essentielles, projetées pour l’année en cours, qui deviendraient dans un terreau infesté de violence et de terrorisme, hypothétiques et risquées.
L’autre priorité non moins urgente, est la reprise dans les délais les plus brefs de la dynamique économique bloquée. Une reprise vigoureuse qui doit se traduire notamment par le redressement des équilibres financiers rompus, la restauration de la confiance perdue des opérateurs économiques, des investisseurs et des bailleurs de fonds tant tunisiens qu’étrangers, la lutte efficiente contre la contrebande et les circuits parallèles, qui minent l’économie du pays tout en appauvrissant l’Etat, le rétablissement sans tarder du rythme normal de la production des produits phosphatiers et de leur exportation, et last but not least, la reprise rapide, des activités touristiques.
Face à ces deux grandes urgences, le gouvernement de Mehdi Jomaa n’a pas le droit de perdre du temps, ni d’échouer. Sa tache ne sera pas facile, mais il semble apriori disposer de meilleures dispositions et de sérieux atouts, pour faire mieux, aux endroits mêmes, où le gouvernement qui l’a précédé a lamentablement échoué.



