Chronique : Le droit de rêver …!
Pr. Khalifa Chater
"Le printemps arabe" a mis à l'ordre de jour, le changement politique. Le slogan "dégage" qui signifie implicitement "Yes we Can" (oui nous pouvons) érigeait les contestataires, en grands acteurs politiques. Ils étaient convaincus qu'un autre monde est possible. Cas unique de réussite dans l'aire arabe, la Tunisie a réussi sa gouvernance démocratique. Le gouvernement de l'alliance s'est mis au travail. Mais les résultats se font attendre.
Le processus engagé est sympathique, bien chimérique mais ne fait pas" bouillir la marmite". Le pouvoir d'achat reste faible. La vie économique est bloquée. Le chômage n'a point reculé. Prenons la juste mesure des difficultés du contexte, de la pénurie budgétaire, du relâchement général.
L'impatience et la désillusion ont suscité des grèves, des sit-ing, confortés par des dérives d'envergure. Les problèmes sécuritaires, économiques et sociaux sont réels. Ils suscitent, à juste titre, l'écoute du pouvoir. Mais, nécessitant la mise au point d'une stratégie de développement, une grande mobilisation des moyens financiers, un soutien international effectif, ils ne peuvent être traités du jour au lendemain. La Palice aurait accepté qu'on accorde la priorité aux questions d'urgence: sécurité, stabilité, confiance des partenaires, sans pourtant différer plus longtemps, l'engagement des grands travaux d'infrastructure. Pêchant en eau trouble, certains acteurs marginaux ont cru devoir instrumenter les impatiences compréhensibles, pour mettre sur le tapis l'exploitation des richesses minières et énergétiques, au profit des régions de production. Bien pis, on célèbre des richesses pétrolières mythiques, culpabilisant les services intéressés et les sociétés internationales d'exploration. Attaques et contre-attaques, les médias ne sont pas ménagés. Ils n'étaient pas les bienvenus dans ce brainstorming utopique. Une prise de conscience devrait faire valoir une condamnation des dérives et les attentes légitimes de solutions. Il faut attendre la conclusion du processus et l'ouverture de l'horizon. Il faut donner du temps au temps.
D'autres pays frères, ont vu les rêves dériver en cauchemar. La révolution libertaire, perturbée par l'anarchie, la guerre civile, l'inquisition, le jeu de rôles régionaux et bien au-delà, expliquent la montée des périls pour eux d'abord, mais aussi pour les prochains voisins. On était peut être bien envieux de la démocratie voisine, en son bain de jouvence. Comment s'accommoder de l’émergence de «contre-sociétés», de systèmes périphériques, sinon de post-Etats ? On ne peut entourer de barbelés les "frontières de solidarité", ni mettre à l'ordre du jour une politique de "containment". Peut-on se bercer d'illusions et occulter les difficiles relations de voisinage. Dans ces conditions, la réalité doit laisser la place au rêve, pour faire valoir des relations de solidarité et de fraternité, transgressant toutes démarcations idéologiques. Nos intérêts communs les commandent.
