Du racisme et de la gestion sociétale
Par Mansour M’henni
La situation des Africains subsahariens en Tunisie et la mesure prise par le Gouvernement, pour ou contre eux (que sais-je ?), a suscité un vrai tollé, dans la droite ligne de tout ce qui est susceptible d’animer l’opposition et le pouvoir dans le pays, parfois sans un vrai et sincère souci des valeurs présidant à une décision ou une autre. Pourtant, la question est trop délicate pour qu’on la prenne à la légère ou qu’on fasse d’elle un simple instrument des conflits ou des rivalités politiques.
Nul doute que ces frères africains ont droit à tout ce qu’a droit n’importe quel citoyen dans le monde et que dans leur situation précaire, nous leur sommes redevables non seulement de notre compassion, mais surtout de notre solidarité. Cependant, cela ne signifierait pas les livrer et/ou nous exposer aux manigances et aux stratégies, à objectifs divers, des lobbies nationaux et internationaux. C’est pourquoi à tous les niveaux de la responsabilité, il conviendrait de conjuguer une sagesse foncièrement humaniste et une gouvernance intelligente des questions des sociétés. De ce point de vue, la gestion de la politique intérieure du pays, toutes sensibilités politiques concernées par cette responsabilité, se doit d’appuyer son action par une diplomatie légitimiste et humaniste. L’équation doit être résolue bien que très difficile, surtout quand les intervenants politiques, nationaux et internationaux, sont à épées et à couteaux tirés, à chaque geste de l’adversaire.
De fait donc, la question migratoire ne saurait s’entendre qu’en termes de relations internationales, sur la base de tout le système se prétendant comme le régulateur du vivre-ensemble international. Malheureusement, c’est là que la machine est en panne parce que ce n’est pas l’éthique qui commande ce système ; c’est au contraire la logique du pouvoir et de l’argent qui préside à ses rouages et à ses engrenages.
Toutefois, faute d’un espoir mondialisé, ces problèmes migratoires peuvent être sagement étudiés et efficacement poussés vers des solutions régionales édifiantes. Cela peut même être initié entre deux pays, avec l’espoir de pouvoir, petit à petit, élargir l’espace géographique expérimental de cette humanisation de la question migratoire. Pour ce faire, les pays d’origine ne devraient pas se sentir soulagés en se délestant d’une partie de leur population en situation difficile. Mais les pays qui reçoivent cette population, de quelque manière que cela se fasse, devraient se tenir informés des détails de ces mouvements pour les comprendre et pour maîtriser leur flux, même quand le contexte les pousse à fermer l’œil sur certains de ses débordements. De cette manière, la diplomatie est alors mise à l’épreuve de la conversation avec les pays d’origine pour que des solutions, même partielles et provisoires, soient trouvées, avec l’intention de les faire évoluer vers une maîtrise non humiliante de la situation de ces populations, en concertation et en coopération avec les instances internationales et les pays supposés être des défenseurs de la dignité humaine.
N'empêche qu’au centre du problème réside également un défi culturel et un pari éducatif, car comme le dit Claude Roy : « le racisme commence au coin de la rue ».
