L'éthique de l'indépendance

Khalifa Chater

De telles dérives, fussent-elles minoritaires, inquiètent, dérangent et remettent en cause l'élan révolutionnaire et la dynamique de développement et de promotion qu'elle porte. Ce qui exige de rappeler l'éthique de l'indépendance et les sacrifices que la communauté nationale a endurés, pour s'en assurer.  Prenons la juste mesure des combats des pères fondateurs, pour clore l'ère de la dépendance et de l'obscurité et ouvrir, aux nouvelles générations, des horizons d'avenir. L'indépendance nous fournit une plume, en faveur de la libre expression. La dérive préfère la remplacer par une arme ou plutôt une arme.  Est-ce à dire qu'on a transgressé l'éthique de l'indépendance et le combat populaire, qui a pu l'imposer ? Il ne faut pas, en effet, confondre l’appartenance assumée et la compromission de l’esprit partisan. Le mouvement indépendantiste fait passer les conflits idéologiques derrière cet objectif prioritaire qu'est l'indépendance. D'ailleurs l'élection consacre la libre pensée, dans le cadre du postulat unitaire. En Tunisie, la représentation proportionnelle a permis l'élection de députés appartenant à de partis qui ne partagent pas les mêmes points de vue politiques, mais qui ont en commun leur attachement à l'idealtype de l'indépendance. Le principe de l'indépendance exige d'établir des postulats de cohérence (liberté, autonomie de la décision, attachement à la patrie, coexistence avec la communauté internationale etc.), Ces exigences ne reposent sur d'autre que sa propre nécessité. Kant explicite cette exigence : "Dire à la conscience de l’individu « Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen », c’est exprimer un « impératif catégorique » de nature universelle". L'éthique de l'indépendance s'établit en maxime universelle en soi et dans la relation entre les individus.

Sachons fêter notre indépendance, en remettant en cause les tragiques dérives des inquisiteurs, d'un autre monde.  Commémorons les acquis de l'unité et de l'indépendance. Remettons-nous au travail, pour réaliser les attentes de la révolution et faire face aux défis.

Tournons énergiquement et définitivement la page de l'obscurantisme et que  l'acquis de l'indépendance, l'idéaltype bourguibien, qu'il a consacré soient   la rampe de lancement d'une promotion de l'état-nation, de la gouvernance démocratique et du développement, qui marginalisent tous ceux veulent pécher dans les eaux troubles. Adoptons cette complainte optimiste d'Abul- Oacem Chabbi, chantant  Tounis al-Jamila,  en 1925 :

"Tunisie la belle ….

C'est, certes, une ère d'obscurantisme

Mais au-delà du crépuscule, j'entrevois déjà son aube".