L'Union Européenne et le défi du voisinage
Pr. Khalifa Chater
Une réunion informelle des dirigeants de l'Union européenne s'est tenue, à Malte, le 2 février 2017. Elle avait pour objet d'étudier la crise migratoire et les relations transatlantiques, en voie de réactualisation, depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump à Washington. La Première ministre britannique Theresa May participa à cette réunion, en dépit de la mise à l'ordre du jour du Brexit.
En ce qui concerne les relations atlantiques, le président français, François Hollande, a estimé que les gouvernements européens devaient s'occuper ensemble de la sécurité du continent plutôt que de chercher à obtenir chacun des avantages auprès de Washington. ‘‘Nous devons avoir une conception européenne de notre avenir sinon il n'y aura, à mon avis, pas d'Europe et pas nécessairement de projet pour chacun des pays de pouvoir peser dans le monde’’, a-t-il déclaré. Attitude similaire d'Angela Merkel, elle a affirmé, à son arrivée à La Valette que ‘‘l'Europe avait "son destin entre les mains". "Plus nous définirons clairement notre rôle dans le monde, mieux nous gérerons nos relations transatlantiques’’. Face au changement en cours aux Etats-Unis, il y a "évidemment" un sens supplémentaire à cette affirmation de l'Europe, a observé une source diplomatique française. Les 28 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE se sont entretenus, en marge de la réunion, lors d'un déjeuner, des défis engendrés par la nouvelle donne géopolitique, en particulier des annonces de Donald Trump. Face au protectionnisme prôné outre-Atlantique, quel rôle doit endosser l'UE dans l'ordre mondial ?
Malte, qui assure la présidence semestrielle tournante de l'UE, a tiré la sonnette d'alarme: "le printemps pourrait être synonyme de nouvelle crise migratoire". Dix mois après la quasi fermeture de la route migratoire passant par la mer Egée, un nombre record de traversées a été enregistré via la Méditerranée centrale: plus de 181.000 tentatives en 2016, dont 90% partis de Libye. Après l'accord scellé en mars 2016 avec la Turquie, l'UE continue de vouloir endiguer l'afflux de migrants, de plus en plus, d'origine africaine. ‘‘Il est temps de fermer la route allant de la Libye à l'Italie’’, a déclaré le président du Conseil européen Donald Tusk, à la veille du sommet informel de l'UE (Gabriela Baczynska et Alastair Macdonald, "migrants et avenir de l'UE au cœur de la réunion de Malte", Reuters 3 février 2017). L'agence Frontexte, chargée des frontières extérieures de l'Europe, affirme que 93 % de ceux qui ont débarqué, en Italie, en 2016, venaient d'Afrique: Cette évolution reflète "la pression migratoire croissante" du continent africain et plus particulièrement d'Afrique Occidentale. Des analystes estiment que "les migrations africaines, constituent le défi de demain" (titre de l'article de Marylin Baumard et Arnaud Leparmentier, Le Monde, 17 janvier 2017) et affirment que "le Sahel est une bombe démographique".
Enfermement sécuritaire, volonté d'occulter le rôle des frontières, en tant que zone d'échanges, culpabilisation du voisinage sud-méditerranéen et sahélien, on voudrait ériger le Maghreb, en "pare-choc de l'Europe". Le "Sursaut européen", pourrait-il s'accommoder d'une stratégie de frontières, occultant la politique de coopération, réduisant les champs d'échange, d'influences. En d'autres temps, ou plutôt une autre conjoncture, la chancelière Angela Merkel, identifiait comme priorité le développement de l'Afrique, qu'elle voudrait engager, au sein du G20. Le libre marché défendu par l'Union Européenne implique nécessairement la solidarité, le développement complémentaire, la liberté de circulation, dans le cadre d'une stratégie dynamique de développement, transgressant les états d'âme, la politique du court terme et "le splendid isolement".
