La diplomatie tunisienne, le nouveau contexte


Pr. Khalifa Chater
Coexistence cordiale et souci de coopération, constituent les deux piliers de la diplomatie tunisienne, dans le cadre des relations bilatérales et des structures régionales (UMA, Ligue arabe, Union Africaine, partenariat euro-méditerranéen). Ni alignement, ni exclusion, mais volonté d'ouverture sur le monde. Son aire d'alliance principale, définie par son voisinage régional immédiat, depuis l'indépendance, met en valeur en premier lieu, ses relations maghrébines et ses enjeux de coopération dominants. Retour à la politique équilibrée, faisant valoir les priorités d'antan, le gouvernement tunisien post-troïka a restauré la philosophie de la diplomatie tunisienne, dans sa lettre et son esprit, tenant bien entendu compte du nouveau paysage politique, prenant ses distances des jeux de rôles et des velléités d'intervention dans la conjoncture du "printemps arabe". La défense de la souveraineté tunisienne, idéaltype bourguibien, est au-dessus de tout soupçon.
Les pays maghrébins constituent certes des alliés historiques. La prise en compte de la conjoncture d'épreuve nécessite, en effet, une adaptation aux circonstances, tout en sauvegardant les relations préférentielles. L'état actuel du chao conjoncturel libyen, conforté par l'implantation de Daech, à Syrte, à Derna, à Sabrata et bien-au-delà, devrait mettre à l'ordre du jour une coopération d'urgence, pour faire face aux défis communs ou du moins limiter les dégâts. Le gouvernement d'union Nationale de Fawez Sarraj, qui bénéficie de l'appui de la communauté internationale n'a pas encore réussi à se réapproprier la souveraineté. Une médiation tunisienne pourrait contribuer à transgresser l'opposition actuelle des gouvernements de Tobrouk et de Tripoli, dont la divergence idéologique est évidente. La région frontalière de la Tunisie semble lui échapper. Dans l'état actuel des choses, le Sud tunisien est à la merci des états d'âme du pouvoir établi, dans le voisinage. Les relations avec l'Algérie, font valoir un soutien réciproque et à toute épreuve : Coopération sécuritaire, concertation politique. La Tunisie a bénéficié de l'arrivée de touristes algériens, soutenant un secteur sinistré. Tout en développant ses relations, la Tunisie devrait réaffirmer ses liens stratégiques, avec l'Egypte, qui a réussi, à l'instar de la Tunisie, à échapper à la stratégie du chao, qui a remis en cause l'Etat-nation, en Irak et en Syrie et soumis à rude épreuve la Libye et le Yémen.
Conclusion : Il faudrait agir au-delà de la pesanteur de la conjoncture et ne pas perdre de vue les perspectives d'avenir, avec leurs processus d'évolution, d'alternance des pouvoirs et des redéfinitions des enjeux, en conséquences. La future reconstruction libyenne, le redressement global de la Tunisie, l'affirmation de la continuité au Maroc et en Mauritanie et l'éventuelle reconversion de l'économie algérienne, en relation avec la chute du prix du pétrole et du gaz, pourraient permettre l'édification d'un partenariat de solidarité, qui aurait intérêt à s'assurer l'ouverture sur l'aire arabe, l'Afrique subsaharienne et l'Europe, appelée suite au Brexit, à une reconstruction, pouvant ouvrir au Maghreb, de nouvelles perspectives de coopération.



