Le rééquilibrage de la politique étrangère tunisienne ?
Pr. Khalifa Chater
La récente visite du Président Béji Caïd Essebsi, en Egypte, traduit et confirme le rééquilibrage de la politique étrangère tunisienne. L'événement est important.
Cette première visite officielle, depuis 1965, renoue les relations cordiales, mises à l'épreuve, par la troïka et fait valoir la morale politique tunisienne, de non-intervention dans les affaires intérieures des pays : "Les hommes de la Mecque connaissent mieux ses terroirs" rappela le président tunisien, pour expliquer son refus de juger les régimes des pays étrangers, fussent-ils avoisinants et frères. De ce fait, la politique étrangère tunisienne transgresse les états d'âme, les ambivalences et les ambigüités. Elle fait valoir l'exigence absolue de la neutralité objective et la coexistence fraternelle. Elle respecte les états de fait de la démarcation géopolitique.
Tout en appréhendant les relations bilatérales, en œuvrant pour engager des programmes de coopération, la visite du Président Caïd Essebsi a permis une concertation sur les questions régionales. L'accent a été mis sur la nécessité d'une solution politique en Syrie. Par ailleurs, les deux chefs d'Etat ont émis le souhait de formation d'un gouvernement d'union, en Libye. Ils exprimé le souhait d'une cohésion nationale. D'ailleurs, les deux chefs sont engagés dans la guerre contre le terrorisme. En dépit des spécificités des régimes, de leurs conjonctures géopolitiques, les deux pays ont des visions assez proches, sinon partagées. Certains ont cru pouvoir parler de la naissance de l'axe Tunis/Le Caire. Or, dans les deux cas et en dépit des relations différentielles, il serait plus juste de parler d'élargissement de partenariat, excluant les alliances formelles, et les appartenances à des pôles. Ne sous-estimons pas, les fondements politiques des deux pays : Le Caire est une puissance régionale. Tunis fait valoir sa diplomatie active de coexistence et son statut d'avant-garde, hérité du leader Habib Bourguiba, le ferment de la modernité dans le monde arabe.
Vision plus globale, le pouvoir tunisien a réussi le rééquilibrage de sa politique étrangère. Il fait valoir la nécessité de maintenir les relations avec ses partenaires, tenant compte de la nécessité de dialogue avec les acteurs du voisinage, sans aller au-delà. Exigence quasi similaire, dans le cas syrien, l'ouverture d'un consulat sert les intérêts des nationaux. Tout en développant ses relations maghrébines essentielles, le pouvoir tunisien a consolidé les relations d'excellence avec les pays du golfe et de l'ensemble de l'aire arabe. La Tunisie de toujours fait valoir la légitimité internationale, le souci de concorde, la volonté d'ouverture et le développement de ses relations arabes, africaines, euro-méditerranéennes et internationales. Sa diplomatie active est mise au service de cette vision globale.
